Deux groupes de manifestants soutenant des hommes politiques rivaux se sont affrontés vendredi dans la capitale du Kirghizstan, Bichkek, le pouvoir semblant laissé vacant par le président Soroonbaï Jeenbekov, invisible depuis quatre jours et prêt à démissionner.
Le chef de l’Etat a signé un décret imposant l’état d’urgence dans la capitale de ce pays d’Asie centrale mais rien ne dit qu’il sera appliqué, plusieurs clans politiques ayant pris le contrôle des différents organismes gouvernementaux.
Le Kirghizstan est plongé dans une grave crise depuis le déclenchement d’un mouvement de protestation contre des fraudes aux élections législatives de dimanche, remportées par deux partis proches de Sooronbaï Jeenbekov.
Le président, qui n’est pas apparu en public depuis lundi, a annoncé tôt vendredi matin qu’il était « prêt » à quitter son poste « lorsque des autorités légitimes auront été approuvées et que nous serons de retour sur la voie de la légalité ».
Cette démission pourrait intervenir une fois que des changements auront été effectués au sein du gouvernement et une date fixée pour de nouvelles élections, a fait savoir la présidence dans un communiqué. La première condition a été remplie, M. Jeenbekov ayant pris un décret limogeant le gouvernement.
En attendant, les partisans de différentes personnalités politiques mettaient la pression dans les rues de Bichkek, semblant déjà préparer l’après-Jeenbekov.
Vendredi, des heurts dans le centre-ville ont éclaté entre partisans de l’ex-président Almazbek Atambaïev et du nationaliste Sadyr Japarov, qui s’est fait nommé mardi Premier ministre dans des conditions troubles.
Un journaliste de l’AFP a vu les supporters de l’un casser les vitres de voitures tandis que le service d’ordre de l’autre camp tirait des coups de feu en l’air.
Retour d’Atambaïev
En début de journée, plusieurs milliers de partisans de Sadyr Japarov s’étaient réunis dans un parc à proximité du bâtiment abritant le siège du Premier ministre. M. Japarov « deviendra Premier ministre et président et alors tout ira bien », a déclaré un orateur à la foule, agressive, qui a menacé plusieurs journalistes.
Sadyr Japarov purgeait jusqu’à lundi une peine de 11 ans et demi de prison pour une prise d’otages au cours d’une précédente crise politique.
L’ancien mentor politique du président Jeenbekov, Almazbek Atambaïev, a lui aussi organisé sa manifestation pendant laquelle beaucoup tenaient des pancartes appelant le chef de l’Etat à quitter le Kirghizstan.
Lâché par son ancien allié, Almazbek Atambaïev purgeait pour sa part une peine de onze ans de réclusion pour avoir fait relâcher un chef mafieux de prison. Il attendait un second procès pour son rôle dans la résistance armée à son arrestation.
Les heurts, notamment de violents affrontements entre manifestants et policiers lundi, ont pour l’instant fait un mort et plus de mille blessés au Kirghizstan. Cette crise fait craindre une flambée de violences dans cet Etat considéré comme une exception démocratique dans une région où les régimes autoritaires sont la règle.
Vendredi, une troisième manifestation a été organisée à Bichkek par des groupes se revendiquant de la société civile contre la criminalité organisée, qui gangrène la politique aux yeux de nombreux Kirghiz.
La veille, des personnalités de différents partis d’opposition ont affirmé contrôler le bureau du procureur ou encore le ministère de l’Intérieur. Aucune présence policière n’était visible devant les principaux bâtiments gouvernementaux.
Les puissants services de sécurité (GKNB) ont quant à eux intimé à la classe politique de remettre de l’ordre et la Russie, la puissance régionale, a reconnu l’autorité de l’homme qui a pris le contrôle du GKNB à la faveur du chaos des derniers jours, Omourbek Souvanaliev.
Le Kremlin a en effet déclaré que le patron des services de sécurité russes (FSB) avait signifié son soutien à M. Souvanaliev dans les « efforts du GKNB pour stabiliser la situation et éviter le chaos ».
Reste que même Moscou ne semble pas certain de pouvoir peser sur l’issue de cette crise politique. Stanislav Zas, le secrétaire général de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une union politico-militaire menée par la Russie, a proposé vendredi son aide pour « jouer un rôle de médiateur ».