Kadhafi marque des points en Libye et à Paris
Les forces de Moammar Kadhafi ont de nouveau gagné du terrain face aux rebelles mardi, reprenant Zouara (ouest de Tripoli), dernier bastion de l’opposition dans l’ouest de la Libye, avant d’attaquer Ajdabiya, verrou stratégique vers l’est du pays. Succès également sur le front diplomatique pour le dirigeant libyen, les pays du G-8 n’ayant pas pu s’entendre à Paris sur une intervention militaire internationale dans son pays
Les forces loyalistes ont d’abord repris mardi Zouara, ville située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Tripoli, renforçant la mainmise de Kadhafi sur la région s’étirant entre la capitale et la frontière tunisienne.
Les soldats de Moammar Kadhafi ont également frappé Ajdabiya, pilonnant la ville par les airs et au sol par des tirs de missiles et d’artillerie. Alors que les insurgés n’avaient fortifié que l’entrée ouest de la ville, les forces loyalistes les ont surpris en attaquant également par le Sud. L’opposition a rapidement été dépassée, et les chars de Kadhafi ont pu entrer dans Ajdabiya.
"Ils n’ont pas les armes, mais ils ont la volonté de se battre", a déclaré à propos des rebelles le lieutenant-colonel Mohammed Saber, un officier de l’armée ayant fait défection. Il s’exprimait par téléphone alors que résonnaient en arrière-plan les bruits des explosions et des tirs d’artillerie. Ahmed al-Zwei, porte-parole des insurgés, a, lui, expliqué que des missiles tirés depuis la mer et des bombes larguées par les avions de l’armée atteignaient Ajdabiya.
Ce revers à Ajdabiya pourrait avoir de lourdes conséquences pour l’opposition, la ville étant le verrou de l’est du pays, qu’elle contrôle désormais depuis plusieurs semaines. Si l’armée de Kadhafi parvenait à reprendre effectivement le contrôle de cette cité de 140.000 habitants, la voie pourrait alors être ouverte vers Benghazi, bastion de la rébellion, où s’est installé le Conseil national libyen de transition (CNLT), instance regroupant les opposants à Kadhafi.
Ajdabiya est également un point d’approvisionnement stratégique en armes et en munitions utilisées par les forces de l’opposition dans leurs avancées initiales vers Tripoli. Jusqu’à maintenant, la contre-offensive des forces de Kadhafi vers l’est concernait les ports pétroliers stratégiques du Golfe de Syrte. Ajdabiya est le premier foyer de population important qu’elles tentent de reprendre.
La télévision libyenne a affirmé que la bataille d’Ajdabiya était déjà remportée, assurant que les soldats loyalistes contrô laient "totalement" la ville et étaient en train de la "nettoyer des bandes armées". A Tripoli, plusieurs centaines de partisans de Kadhafi se sont rassemblés sur la place Verte pour fêter cette annonce.
Dans le même temps, les pro-Kadhafi maintenaient le blocus de Misrata, troisième plus importante ville de Libye et dernière position majeure de l’opposition dans l’ouest. "Nous sommes à court d’antibiotiques, de matériel chirurgical et d’équipements jetables", a confié un médecin de la ville. "Nous nous sentons tellement isolés ici. Nous implorons la communauté internationale de nous aider dans ces moments très difficiles".
Mais, les ministres des Affaires étrangères du G-8, réunis à Paris, n’ont pas réussi à s’entendre. La France et la Grande-Bretagne n’ont pas obtenu le soutien des autres pays, ni à des frappes aériennes ciblées ni à la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne, les diplomates des grandes puissances s’en remettant finalement au Conseil de sécurité de l’ONU pour prendre de nouvelles sanctions contre Tripoli.
Dans un communiqué diffusé à l’issue de deux jours de réunion, les ministres ont ainsi appelé le Conseil de sécurité à "accroître la pression pour inciter Moammar Kadhafi à partir, y compris par des mesures économiques".
"Aujourd’hui, Kadhafi marque des points", a déclaré le chef de la diplomatie française Alain Juppé. "Si nous avions utilisé la force militaire la semaine dernière pour neutraliser un certain nombre de pistes d’aviation et les quelque dizaines d’avions dont il dispose, peut-être que le renversement qui se produit en défaveur de l’opposition ne se serait pas produit".