Il est 21 heures vendredi dernier quand Nicolas Sarkozy débarque dans la salle de presse de la Foire internationale de Lisbonne où se tient le sommet de l’Otan. Le chef de l’Etat a la tête des mauvais jours. Il sait qu’à Paris, Dominique de Villepin vient de lancer la charge contre le clan balladurien. Depuis quelques jours, la campagne d’Edouard Balladur, dont il était le porte-parole en 1995, est au cœur de la polémique. C’est sans ses nouveaux ministres de la Défense (Alain Juppé) et des Affaires étrangères (Michèle Alliot-Marie) qu’il se présente devant les journalistes. Après quelques récriminations, le président devient plus féroce.
Il ne supporte pas qu’un journaliste lui demande si, en tant que ministre de Budget, il a donné son aval en 1994 à la création de deux sociétés au Luxembourg par lesquelles seraient passées des rétrocommissions. Nicolas Sarkozy rétorque alors:
-"Jamais mon pauvre. J’ai donné mon aval…"
-"Mais la pièce est dans le dossier du juge…", relance le journaliste.
-"Qui dit ça? Mais enfin écoutez, jamais. Je n’en ai aucun souvenir. Vous voyez le ministre du Budget qui va signer un document pour donner son aval à une société luxembourgeoise? Pendant deux ans, on m’a poursuivi pour l’affaire Clearstream au Luxembourg. Tiens, c’était Van Ruymbeke aussi; tiens, c’était le même; alors c’est curieux, tiens… (…)."
Un autre journaliste relance le président. Nicolas Sarkozy s’énerve:
-"Mais écoutez, on est dans un monde de fous. Il n’y en a pas un seul parmi vous qui croit que je vais organiser des commissions et des rétro-commissions sur des sous-marins au Pakistan? C’est incroyable et ça devient un sujet à la télévision. Et vous, j’ai rien du tout contre vous. Il semblerait que vous soyez pédophile… Qui me l’a dit? J’en ai l’intime conviction. Les services. De source orale. Pouvez-vous vous justifier? Et ça devient »je ne suis pas pédophile’. Mais attends. Faut être sérieux quand même. Soit vous avez quelque chose et dans ce cas là j’y réponds bien volontiers. Soit vous avez rien et parlez-moi de choses intéressantes… "
"C’est sans rancune, hein, le pédophile"
Franck Louvrier, son conseiller presse, interpelle alors le président pour lui rappeler qu’il doit partir dîner. Mais Nicolas Sarkozy n’a pas fini sa virulente mise au point. Autour du président, certains collaborateurs (son sherpa Jean-David Levitte notamment) sont, selon certains témoins, choqués. "J’espère qu’on vous a pas coupé l’appétît", lui signifie un journaliste. "Mais non. C’est sans rancune, hein, le pédophile", répond le président qui enchaîne avec une question sur l’Irlande.
-"Mais ne vous trompez pas c’est un sujet sérieux. On va pas courir en permanence après la dernière boule puante comme ça, dit Nicolas Sarkozy. Ecoutez, vous êtes des professionnels sérieux. Je dis: ‘Faites votre travail, c’est à vous de voir si c’est sérieux.’"
Nicolas Sarkozy énumère alors la liste des affaires qui viennent de se succéder et dans lesquelles certains médias ont tenté de le mêler. Il conclut cette douzaine de minutes de off par un "Amis pédophiles, à demain!"