"Je m’excuse de ne plus être capable de continuer à mon poste et pour tous mes manquements dans l’exercice de mes fonctions", a écrit M. Zarif tard lundi soir sur son compte Instagram.
Le maintien ou non de M. Zarif au sein du gouvernement dépend de M. Rohani, à qui il revient d’accepter ou de rejeter cette démission.
Sur Twitter, Mahmoud Vaézi, directeur de cabinet de M. Rohani a "fermement démenti" pendant la nuit que le président ait déjà accepté cette démission.
M. Zarif n’a donné aucune explication à sa démission, mais selon le quotidien iranien Entekhab, celle-ci serait liée à la visite surprise lundi à Damas du président syrien Bachar al-Assad.
Ce dernier s’est entretenu avec le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, et M. Rohani. M. Zarif n’était présent à aucune de ces deux rencontres, selon l’agence de presse iranienne Isna, et il est notablement absent des photos de l’entrevue entre MM. Khamenei et Assad.
Après l’annonce de sa démission, Entekhab assure avoir essayé de joindre M. Zarif et reçu de sa part le message suivant: "Après les photos des rencontres d’aujourd’hui, Javad Zarif n’a plus aucune crédibilité dans le monde comme ministre des Affaires étrangères!"
M. Zarif a présenté sa démission à plusieurs reprises, mais le fait "qu’il ait fait cela publiquement cette fois-ci signifie qu’il veut que le président l’accepte", a écrit l’agence Isna, en citant le chef de la Commission parlementaire de la sécurité nationale et des affaires étrangères, Hesmatollah Falahatpiché.
Agé de 59 ans, M. Zarif a dirigé la diplomatie iranienne pendant tout le premier mandat de M. Rohani (2013-2017) et a été reconduit à ce poste après la réélection du président, qui fait figure de modéré en Iran.
"Je suis extrêmement reconnaissant au peuple iranien et à ses dirigeants respectés pour la magnanimité dont ils ont fait preuve pendant 67 mois", a-t-il écrit sur son compte Instagram.
– "Obsession maladive" –
M. Zarif a été le négociateur en chef, côté iranien, de l’accord conclu à Vienne en juillet 2015 entre la République islamique et le Groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne) pour mettre fin à 12 ans de crise autour de la question nucléaire iranienne.
Bête noire des ultraconservateurs iraniens, il a vu ces derniers mois les critiques s’intensifier contre lui après la décision du président américain Donald Trump de retirer unilatéralement son pays de ce pacte en mai 2018.
Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a "pris note" de la démission de son homologue iranien.
MM. Zarif et Rohani sont le même "visage d’une mafia religieuse corrompue", a tweeté M. Pompeo, assurant que la politique américaine vis-à-vis de l’Iran restait inchangée.
Diplomate formé aux Etats-Unis (il est titulaire d’un doctorat en droit de l’Université de Denver), M. Zarif est à l’étranger le visage de la politique de détente promue par M. Rohani, pourfendue par les ultraconservateurs à Téhéran.
Parlant couramment anglais, il est habitué des forums internationaux.
Le 17 février,à la conférence de Munich (Allemagne) sur les questions de sécurité, il avait qualifié la politique américaine vis-à-vis de l’Iran "d’obsession maladive" qui fait "souffrir" le Moyen-Orient depuis des décennies.
Défenseur inlassable de l’accord de 2015, même après le retrait américain, M. Zarif a croisé le fer à de nombreuses reprises avec ses adversaires ultraconservateurs iranien pour qui l’accord de Vienne est un mauvais texte au nom duquel l’Iran a fait des concession énormes sans rien obtenir de substantiel en retour.
Début décembre, plusieurs députés ultras ayant entamé une procédure de destitution à son encontre avaient finalement fait machine arrière.
Dimanche, M. Zarif avait réagi à la décision du Groupe d’action financière (Gafi) d’accorder un ultime délai à l’Iran pour que le pays se conforme d’ici à juin aux critères internationaux contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, sous peine de sanctions.
Le non respect des engagements pris en la matière par le gouvernement iranien risque de faire capoter le système de troc imaginé par l’Union européenne pour permettre à Téhéran de continuer à commercer avec l’Europe en contournant les sanctions américaines.
Cité par Isna, M. Zarif avait appelé les membres d’un organe de contrôle du système politique iranien dominé par les ultraconservateurs à prendre "leurs décisions en fonction des réalités".
"Jusqu’à présent, avait-il ajouté, ils affirmaient que rien n’allait se passer, maintenant ils voient la réalité de la situation."