"J’ai ordonné votre extradition vers la France", a déclaré la juge Vanessa Baraitser, ajoutant que M. Djouhri avait sept jours pour faire appel avant que l’ordre d’extradition ne soit exécuté.
M. Djouhri a immédiatement annoncé que c’était son intention.
"Je m’y attendais, il n’y a pas de surprise", a-t-il déclaré à la presse à la sortie du tribunal. "C’est une mascarade absolue", a ajouté l’homme d’affaires, accusant les juges français d’avoir "inventé une fuite pour pouvoir m’arrêter à Londres".
"S’ils avaient quelque chose à me reprocher, ils me convoquent dans les règles", a ajouté M. Djouhri, s’appuyant sur une canne, vêtu d’un costume et d’un manteau sombres.
Convoqué à plusieurs reprises par la justice française, l’intermédiaire de 60 ans avait été arrêté en janvier 2018 à l’aéroport londonien de Heathrow, en provenance de Genève, en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis par la justice française, notamment pour "détournements de fonds publics" et "corruption".
Son nom était apparu en particulier lors de la vente suspecte en 2009 d’une villa située à Mougins, sur la Côte d’Azur, à un fonds libyen géré par un dignitaire du régime de Kadhafi.
M. Djouhri, familier des réseaux de la droite française et proche de l’ex-secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, est soupçonné d’avoir été, derrière plusieurs prête-noms, le véritable propriétaire de la villa et de l’avoir cédée à un prix surévalué, ce qui aurait pu permettre de dissimuler d’éventuels versements occultes.
Lors de sa comparution en janvier devant la juge Baraitser, il s’était dit "victime de deux magistrats" français, citant le juge d’instruction Serge Tournaire et le procureur du parquet national financier (PNF) Patrice Amar.
Sa défense avait avancé que M. Djouhri avait été sollicité de manière informelle – par téléphone – par les enquêteurs, et qu’il avait lui-même proposé une rencontre à Genève, sans résultats. Ses avocats avaient affirmé que la loi helvétique – M. Djouhri est résident suisse – ne le contraignait pas à répondre à ces sollicitations ou à se rendre en France.
"Un mandat d’arrêt, c’est quand un type est en fuite et la fuite, il faut la constater. Or M. Djouhri n’était pas en fuite puisqu’il n’a jamais fait l’objet d’une convocation dans les règles", avait déclaré auprès de l’AFP l’un de ses avocats, Me Eric Dupond-Moretti.
Deuxième axe de défense, ses avocats avaient souligné le "contexte politique fort" de cette demande d’extradition, en rappelant l’affaire du financement libyen présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Cette affaire vaut à l’ex-président français d’être mis en examen pour "corruption passive", "financement illégal de campagne électorale" et "recel de détournement de fonds publics libyens". Il n’a pas le droit de se rendre en Libye ni de rencontrer neuf protagonistes, dont Alexandre Djouhri.
La défense de M. Djouhri l’avait donc présenté comme une cible "évidente" pour des enquêteurs cherchant à atteindre M. Sarkozy par procuration, tout en essayant de discréditer cette enquête.
Mais pour la juge britannique, "il n’y a pas de preuve suffisante que les autorités françaises ont manipulé ou utilisé des procédures pour opprimer ou injustement porter préjudice à M. Djouhri (…). Selon moi, il y pas eu abus de procédure".
Les avocats d’Alexandre Djouhri avaient enfin mis en avant, à Londres, sa santé fragile pour contester la demande d’extradition des autorités françaises.
Son coeur bat "anormalement vite", avait témoigné le docteur Alan Mitchell, mandaté par la défense, estimant que "le stress" était "un des facteurs responsables de ce rythme cardiaque trop rapide".
L’homme d’affaire avait dû être soigné à deux reprises en prison, avec un défibrillateur, selon le docteur Mitchell. Il a aussi subi l’implantation d’un défibrillateur sous-cutané.
Contactés par l’AFP après la décision d’extradition, les avocats français de M. Djouhri, n’ont pas souhaité réagir.