Les Egyptiens "veulent en finir aujourd’hui, sinon vendredi au plus tard", a déclaré M. ElBaradei, à la chaîne Al Arabiya, avant de se prononcer pour "une sortie honorable" du président sur la chaîne américaine al-Hurra.
Mohamed ElBaradei s’est également entretenu au téléphon avec l’ambassadrice des Etats-Unis au Caire Margaret Scobey. Mme Scobey a répété à M. ElBaradei la position publique des Etats-Unis sur la crise: Washington souhaite une transition politique mais ne veut pas dicter à l’Egypte la direction à prendre.
L’armée égyptienne -l’un des deux piliers, avec la police, du régime du président Moubarak- s’est engagée à ne pas faire usage de la force, jugeant les revendications du peuple "légitimes".
Le mouvement de contestation, du jamais vu depuis l’arrivée au pouvoir de M. Moubarak en 1981, a débuté le 25 janvier et a fait au moins 300 morts – selon un bilan non confirmé évoqué par l’ONU – et des milliers de blessés.
L’armée a fermé mardi matin les accès à la capitale et à d’autres villes, et des hélicoptères survolaient régulièrement le centre du Caire. Le trafic ferroviaire était interrompu depuis lundi, sur décision des autorités, pour empêcher un déferlement sur la capitale.
Mais la grande place Tahrir (place de la Libération), épicentre du mouvement, était prise d’assaut par une marée humaine.
Les passants applaudissaient à la vue de deux mannequins représentant le raïs pendu, avec l’étoile de David sur sa cravate et des liasses de dollars dans les poches.
Couché par terre, faisant le mort, Tarik Chabassi, criait: "La liberté ou la mort! Je suis prêt à rester là 10, 20 ou 30 ans. Mourir pour moi ne signifie rien, puisque je suis mort il y a 30 ans, quand Moubarak est arrivé au pouvoir".
Des militaires accueillaient les manifestants avec le sourire, tout en contrôlant les sacs. Les médias officiels mettaient en garde contre des "fauteurs de troubles qui tenteraient de semer la discorde entre l’armée et la population".
A Alexandrie, deuxième ville du pays sur la Méditerranée, plusieurs dizaines de milliers de personnes étaient rassemblées en début d’après-midi devant la mosquée Qaëd Ibrahim et la gare ferroviaire, selon un journaliste de l’AFP.
A Suez (est), quelque 2.000 personnes étaient rassemblées à la mi-journée dans le centre-ville.
Les manifestants répondaient aux appels d’organisations pro-démocratie issues de la société civile, soutenues par des personnalités comme le prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, par une partie de l’opposition laïque et par les Frères musulmans, la force d’opposition la plus influente du pays.
L’annonce lundi d’un nouveau gouvernement et la proposition du vice-président Omar Souleimane d’un dialogue avec l’opposition n’ont pas entamé la détermination des manifestants et de l’opposition.
Un comité représentant les forces de l’opposition a répondu dans un communiqué qu’il n’entamerait pas de négociations avant le départ de M. Moubarak. Il a réclamé la dissolution de l’assemblée et la formation d’un gouvernement d’union nationale pour gérer les affaires courantes et "préparer des élections transparentes".
Pour mobiliser, les organisateurs comptaient sur le bouche-à-oreille, Internet restant bloqué et le service de messagerie mobile perturbé. Le dernier fournisseur d’accès à internet qui fonctionnait encore en Egypte a été bloqué lundi.
L’Espagne a estimé que mardi était une "journée clé" pour l’armée égyptienne et souligné qu’elle "n’envisageait pas" une réaction violente des militaires. La France a insisté pour que "le sang s’arrête de couler".
La Maison Blanche a appelé au calme, en se disant satisfaite de la "retenue" dont ont fait preuve jusqu’à présent selon elle les forces égyptiennes.
En Jordanie, théâtre de plusieurs manifestations de l’opposition ces dernières semaines, le roi Abdallah II de Jordanie a nommé Maarouf Bakhit pour remplacer Samir Rifaï à la tête du gouvernement et l’a chargé de mener de "réelles réformes politiques".
Après une semaine de protestations, les contrecoups économiques de la révolte se faisaient sentir en Egypte. Les touristes, l’une des principales sources de revenus pour le pays, ont renoncé à venir, et l’aéroport du Caire était toujours envahi par les étrangers désireux de fuir l’incertitude.
Banques et Bourse étaient fermées, le carburant manquait, et l’appel à la grève générale était toujours en vigueur. Après Moody’s lundi, l’agence de notation Standard and Poor’s a abaissé d’un cran la note de l’Egypte.Mais le Fonds monétaire international (FMI) s’est dit prêt à aider l’Egypte à reconstruire son économie.
L’Unesco a lancé un appel à la sauvegarde du patrimoine de l’Egypte, réclamant des mesures pour protéger "les trésors" du pays, dans les musées et sur les sites culturels.