EADS: Paris et Londres dénoncent le protectionnisme des Américains
Le président français Nicolas Sarkozy a dénoncé vendredi la manière dont a été géré l’appel d’offres sur des avions ravitailleurs de l’armée américaine, dont l’européen EADS a dû renoncer
« C’est pas des méthodes. Ce sont des méthodes qui ne sont pas bonnes à l’endroit des alliés européens des Etats-Unis et ce sont des méthodes qui ne sont pas bonnes pour les Etats-Unis qui sont une grande nation (…) avec laquelle nous sommes proches et amis", a-t-il dit.
Si les Américains "veulent être entendus dans la lutte contre le protectionnisme, qu’ils ne donnent pas l’exemple du protectionnisme", a souligné Nicolas Sarkozy, qui doit voir le président Barack Obama fin mars à Washington.
Gordon Brown s’est déclaré pour sa part "très déçu" par la décision américaine. "Nous considérons qu’il faut avoir des marchés libres et une concurrence libre", a-t-il dit.
EADS, l’avionneur européen a renoncé, lundi dernier, à concourir pour l’obtention de l’énorme marché du renouvellement de la flotte d’avions ravitailleurs de l’armée américaine. Un contrat qui porte sur la fourniture, sur dix à quinze ans, de 179 appareils, pour un montant estimé de 35 à 40 milliards de dollars (jusqu’à 30 milliards d’euros).
Le partenaire américain d’EADS dans cette compétition, Northrop Grumman, a estimé que l’appel d’offres favorisait Boeing. "Je partage son jugement », a affirmé, mardi au Monde, Louis Gallois, président exécutif d’EADS. « Je le regrette d’autant que nous avions gagné la compétition en 2008 avant qu’elle ne soit remise en cause." Tom Enders, le patron d’Airbus, s’est dit lui "très frustré (…), mais les vrais perdants ce sont l’armée américaine et les contribuables".
C’est la fin d’une saga de près de dix ans au cours de laquelle les conditions de l’attribution du marché, donc ses enjeux industriels, et le cahier des charges n’auront cessé d’être modifiés d’une échéance électorale à l’autre.
Le marché des avions ravitailleurs américains, dont la flotte est très vétuste, aura été une affaire autant politique qu’économique et logistique. Les lobbies et leurs juristes se sont déchirés à coups de millions de dollars de financements divers et variés pour obtenir les faveurs du Congrès et de l’administration en place – en particulier des décideurs au Pentagone.
Formellement, EADS et son partenaire américain, l’avionneur militaire Northrop-Grumman, ont décidé de retirer leur candidature pour des motifs juridico-techniques. Ils estiment que la dernière modification de l’appel d’offres effectuée par le département de la défense "favorise clairement" leur rival, l’américain Boeing, et qu’en soumissionnant, ils ne feraient qu’entretenir la "fiction" d’une compétition en réalité jouée d’avance.
Les nouvelles conditions d’attribution font en effet du coût de l’appareil la condition prioritaire d’acquisition. Or il était de notoriété publique que le tanker dit "transatlantique" d’EADS-Northrop, le KC-45, une version adaptée de l’A330, était plus cher, mais que son rapport qualité-prix était jugé supérieur par presque tous les experts, Américains inclus.
( A Londres)
Hasna Daoudi