Décès de Christoph Schlingensief, l’enfant terrible » du théâtre allemand
Le metteur en scène iconoclaste allemand Christoph Schlingensief, probablement le plus grand provocateur du théâtre germanophone contemporain, est décédé samedi à l’âge de 49 ans d’un cancer du poumon.
L’annonce a été faite à l’AFP par un porte-parole du festival de théâtre Triennale de la Ruhr, où il aurait dû présenter initialement sa nouvelle production "S.M.A.S.H" du 21 au 29 août, à Mülheim (ouest). Mais il avait dû annuler en juillet les sept représentations prévues, en raison d’un nouveau diagnostic médical.
"Il ne se sent pas en mesure de présenter son oeuvre dans le calendrier prévu", avait indiqué le festival. L’auteur, malade depuis 2008, avait alors révélé dans une lettre que son travail lors de sa production précédente, "Via Intolleranza II", avait déjà été pour lui "une dure bataille".
Christoph Schlingensief, à la fois cinéaste et metteur en scène de théâtre et d’opéra, était souvent surnommé l’"enfant terrible" du théâtre germanique, où il s’attaquait volontiers aux sujets les plus brûlants.
A Vienne, il avait notamment dénoncé la montée du populisme et du racisme, au travers d’un conteneur singeant les wagons de la déportation, barré d’un énorme "Auslaender raus!" (les étrangers dehors!).
Son spectacle interactif en 2000 mettait en scène des demandeurs d’asile et le public était invité à décider des expulsions à prononcer: qui et vers quel pays…
A Berlin, il avait notamment présenté ses productions au théâtre Volksbühne, qui accueille souvent des projets d’avant-garde.
Il avait une fois échappé de peu à un jugement pour avoir fait brûler lors d’un happening une poupée en paille représentant le Premier ministre israélien Ariel Sharon.
En 1997, il avait été arrêté à Kassel par la police en plein salon Dokumenta parce qu’il arborait une pancarte où était écrit "Tuez Helmut Kohl".
Un an plus tard, en 1998, alors que l’Allemagne était gouvernée depuis 16 ans par le conservateur Helmut Kohl, il avait créé en vue des législatives le "Parti des chômeurs et des exclus de la société – Chance 2000".
Schlingensief avait été révélé comme réalisateur de cinéma avec une trilogie controversée sur l’Allemagne au tournant de la Réunification: 100 ans d’Adolf Hitler / Les dernières heures dans le bunker du Führer, suivi de Massacre allemand à la tronçonneuse (qui parlait de la Réunification), puis de Terreur 2000 – Allemagne, bloc de réanimation, trois volets présentés entre 1989 et 1992.
L’artiste, qui aurait eu 50 ans en octobre, avait été membre du jury de la Berlinale en 2009.
A l’opéra, il avait monté sa première mise en scène en 2004 avec une production de Parsifal au prestigieux festival de Bayreuth (sud). Elle avait suscité la polémique mais avait néanmoins été présentée quatre années de suite dans le temple de la musique wagnérienne.
Le chef d’orchestre français Pierre Boulez avait défendu avec force dès le départ ce Parsifal contesté dont il avait dirigé deux représentations. Pour le ténor allemand Endrik Wottrich au contraire, ce Parsifal était "atroce": dans un décor de bric à brac ressemblant davantage à un camp de réfugiés qu’à un château médiéval, les chevaliers du Graal y devenaient les servants des cultes de toutes les religions du monde…