Comment Hillary Clinton s’est appropriée le vote des Noirs
Aelabama, Louisiane, Tennessee: la liste des Etats du Sud américain remportés par Hillary Clinton lors des primaires démocrates ne cesse de s’allonger, témoignant d’un engouement massif des électeurs noirs pour l’ex-Première dame.
Mardi, le scénario a toutes les chances de se reproduire pour les primaires du Mississippi (sud) et du Michigan (nord).
Mais si ce soutien des minorités ethniques à Mme Clinton est devenu une évidence pour de nombreux commentateurs, ses ressorts demeurent complexes.
L’ancienne secrétaire d’Etat, présente sur la scène publique depuis plus de trois décennies, aime à rappeler son engagement contre le racisme dès ses jeunes années lorsqu’elle avait enquêté sous la direction d’une grande militante noire américaine, Marian Wright Edelman, sur la ségrégation dans les écoles en Alabama.
Ensuite, son expérience en tant que Première dame de l’Arkansas a marqué sa vision des relations raciales en Amérique, assure la candidate qui mentionne régulièrement ses convictions religieuses chrétiennes, une valeur-clé pour une bonne partie de l’électorat noir.
En Caroline du Sud, Mme Clinton s’est récemment exprimée devant la plus ancienne association d’étudiantes noires du pays.
Dans cette campagne "elle parle avec force des questions (raciales), elle le fait d’une manière qui n’était pas la sienne auparavant et qui n’est pas habituelle pour un candidat à la présidence", commente Stefanie Brown James, ancienne conseillère de Barack Obama sur le vote des Noirs en 2012.
Sans la mobilisation décisive de cette partie de l’électorat dans sept Etats il y a quatre ans, Barack Obama aurait perdu au profit de Mitt Romney, selon l’analyse non-partisane du Cook Political Report.
– L’échec de Sanders en question –
Bernie Sanders, sénateur d’un Etat rural du nord-est où seul 1% de la population est noire, communique moins bien que sa rivale sur le sujet.
Son discours est avant tout axé sur les inégalités économiques et ses tentatives pour rappeler ses prises de positions contre le racisme -comme son arrestation dans les années 1960 pour avoir combattu la ségrégation sur son campus à Chicago- ne semblent pas porter leurs fruits.
"Typiquement, c’est un problème que les Noirs ont avec les progressistes blancs, ces derniers analysent tout à travers le prisme des classes sociales et oublient que la question raciale continue d’être importante", analyse Andra Gillespie, professeure associée de sciences politiques à l’Emory College d’Atlanta.
Hillary Clinton s’appuie énormément sur l’héritage de son mari Bill, qui conserve auprès de nombreux Américains la réputation d’un président ayant oeuvré pour les Noirs dans les années 1990 lorsque le taux de chômage baissait et les salaires augmentaient au sein de cette communauté.
Bill Clinton, soignant son image d’homme issu d’un milieu très modeste originaire du Sud, a en effet multiplié les gestes envers ses concitoyens noirs.
– Prison et pauvreté –
Bien qu’il ait nommé un nombre record de Noirs dans son administration ou soutenu la discrimination positive, le bilan de M. Clinton est aussi controversé.
L’ombre de deux textes votés durant sa présidence — le Welfare Reform Act de 1996 et le Crime Bill de 1994 — pèse désormais sur la campagne d’Hillary.
Le premier texte de réforme de l’aide sociale est accusé d’avoir accentué encore les inégalités frappant déjà des familles noires défavorisées, tandis que le second est souvent cité comme responsable de "l’incarcération de masse" dont sont victimes les Noirs aux Etats-Unis.
"En tant qu’homme noir aux Etats-Unis, si j’étais né aujourd’hui j’aurais une chance sur trois de finir en prison au cours de ma vie", a lancé à la candidate Don Lemon, un présentateur noir de CNN lors d’un débat dimanche soir.
Hillary Clinton se trouvant à court d’arguments, M. Lemon s’y est repris à deux fois pour lui demander: "Compte tenu de ce qui s’est passé depuis 1994, pourquoi les Noirs devraient-ils vous faire confiance cette fois-ci pour faire les choses correctement ?"
Comme son mari auparavant, Mme Clinton a concédé que "certains aspects de cette loi constituaient une erreur" tout en promettant de s’en prendre au "racisme généralisé régnant sur le système judiciaire".