Bouteflika, mensonge d’Etat permanent !
C’est devenu le sport algérien national. L’activité la plus pratiquée dans les foyers et dans les rédactions algériennes. Surveiller les apparitions du président Abdelaziz Bouteflika, scruter les images de la télévision d’Etat pour comprendre l’air du temps, parier sur sa possible participation à tel ou tel événement d’une ampleur nationale ou d’une symbolique historique. Et par conséquent décoder la communication présidentielle.
Par Mustapha Tossa
Dans cette affaire, il y a de la gêne partout. D’abord du côté du pouvoir algérien qui ne veut pas donner cette preuve physique que la fin d’une époque est proche et qui plus est, le président de l’Algérie du million de martyrs, Abdelaziz Bouteflika est en train de vivre son calvaire médical sur le territoire de l’ancienne puissance coloniale. Cette simple évocation est de nature à abîmer la mythologique fondatrice de la révolution algérienne.
Il y a aussi la gêne dans l’attitude un pouvoir français. La réaction de Stéphane Le Foll, porte- parole du gouvernement français qui refuse de "confirmer" la présence de Bouteflika dans un hôpital parisien en dit long sur les limites de l’expression française sur cette crise algérienne. Après avoir soutenu contre toute logique politique et algérienne l’esprit du quatrième mandat qui réinstalle un homme malade et démuni au pouvoir, François Hollande donne cette impression d’aller jusqu’au bout de ce soutien. D’où ce silence gêné, d’où cette complicité avec les affres de la maladie du pouvoir en Algérie.
Cette situation d’un président algérien diminué par l’âge et la maladie a été involontairement au centre des derniers jours de la campagne présidentielle tunisienne. Moucef Marzouki candidat à sa propre succession contre Beji Caïd Essebssi (BCE), 88 printemps, s’était livré lors d’une émission de télévision à un réquisitoire contre l’âge du capitaine. En faisant officiellement la promesse qu’à 75 ans il ne briguerait pas un nouveau mandat par respect pour la fonction présidentielle et pour les citoyens tunisiens, il avait affirmé qu’à cet âge l’homme n’est capable de travailler et de gouverner que deux heures par jours. Cette violente charge visait son concurrent BCE, le vieux cheval sur le retour, mais son message résonnait fort sur l’ensemble de la région maghrébine. Les réseaux sociaux algériens se sont emparés du passage télévisé dans lequel il charge violemment Beji Caïd Essebssi sur son âge pour le transformer en plaidoirie anti-Bouteflika.
Bien avant le début du quatrième mandat, les Algériens étaient suspendus à l’état de santé de leur président, partagés qu’ils étaient entre ceux qui dénonçaient avec amertume cet entêtement à s’accrocher au pouvoir et ceux qui se cachaient le regard sous des œillères aux effluves patriotiques, considérant contre vents et marrées que Bouteflika a le droit de siéger et donc de gouverner, tout malade et handicapé qu’il puisse être.
Récemment en visite à Paris, le premier ministre Abdelmalek Sellal, devenu par la force des choses, la doublure diplomatique de Bouteflika, avait tenu à rassurer l’opinion française sur la santé jugée "correcte" du président algérien. Les observateurs politiques ont bien saisi l’exagération du trait puisque dans le même élan, le premier ministre algérien Sellal avait assuré lors d’une conférence de presse que son pays, l’Algérie, si stable et si sûr, avait exporté "le dialogue" et la stabilité vers la Tunisie et s’apprêtait à le faire vers la Libye et le Mali.
D’une manière générale, Cette situation, limite schizophrène, oblige les Algériens à vivre dans une situation de mensonge d’Etat permanent où les illusions d’optique, les postures fabriquées font office de mode de gouvernement et de gestion, dans l’attente d’une issue pour rabattre le cartes et relancer le jeu politique.