A Tunis, Lagarde veut faire oublier MAM

La locataire de Bercy est en opération déminage après les gaffes de la ministre des Affaires étrangères et du nouvel ambassadeur.

A Tunis, Lagarde veut faire oublier MAM
Voilà les démineurs. Après plus d’un mois de crise entre Paris et Tunis, l’Elysée a dépêché hier en Tunisie les ministres de l’Economie, Christine Lagarde, et des Affaires européennes, Laurent Wauquiez. Mission : éteindre les feux d’une contestation qui s’est encore manifestée hier. Devant l’ambassade de France, plusieurs centaines de Tunisiens ont de nouveau appelé au départ de l’ambassadeur Boris Boillon après ses emportements de débutants contre des journalistes tunisiens mercredi dernier.

Dans le palais présidentiel de Carthage, loin d’une ambassade française gardée par des forces spéciales et protégée par des barbelés, les faux pas du représentant français arrivé la semaine dernière n’ont pas été évoqués. Pas plus que les mensonges et les bourdes à répétition de Michèle Alliot-Marie au sujet de ses vacances en jet privé et de ses liens avec le régime Ben Ali. Lagarde et Wauquiez sont arrivés sur des vols commerciaux pour une rencontre avec le Premier ministre de transition, Mohamed Ghannouchi, et une visite expresse censée «réaffirmer l’amitié et le soutien de la France» à la Tunisie.

Louanges. «MAM a fait de gros dégâts, assure une source française. Sa présence à Tunis aurait été vue comme une nouvelle provocation. Quelque chose s’est cassé dans la relation entre les deux pays.» Il s’agit de la première visite de ce niveau en Tunisie – dont la France est pourtant le premier partenaire – depuis la fuite de Ben Ali, le 14 janvier, alors que de nombreux responsables américains et européens s’y sont succédé. Après cinq semaines de silence et d’errements, Paris cherche à rattraper le temps perdu et à effacer les gaffes. Les casques bleus Lagarde et Wauquiez ont mouillé leurs chemises pour saluer la révolution tunisienne, qualifiée de «pionnière et de profondément morale» par la ministre de l’Economie qui a insisté pour exprimer son «admiration au peuple tunisien».

Le ministre des Affaires européennes n’a pas été chiche en louanges. «Vous avez donné une leçon au monde entier. Ce qui était impensable devenait possible. […] Vous avez soulevé des montagnes», s’est répandu Wauquiez, avant de souhaiter un «plan Marshall pour la Tunisie». Et de confier en arabe : «La France est à vos côtés.» Paris entend «examiner les conditions du renforcement du partenariat économique» avec Tunis, selon les mots de Christine Lagarde. Près de 1 250 entreprises françaises sont installées en Tunisie où elles emploient plus 110 000 personnes. Plus de 1,4 million de Français passent chaque année des vacances en Tunisie. Avec un «esprit d’écoute» et «sans aucune ingérence», les deux ministres ont proposé à leurs homologues tunisiens que Paris soit le «meilleur avocat» de Tunis auprès des instances européennes. Et militent déjà pour que le statut avancé de l’UE soit octroyée à la Tunisie «au début de l’automne», selon Wauquiez.

Au-delà des mots. La France – qui n’a débloqué que 350 000 euros d’aide d’urgence à la Tunisie quand Rome a décaissé 5 millions et en promet 100 en crédits – appelle l’Europe à «augmenter les moyens financiers». Un soutien aux ONG et à la société civile devrait voir le jour. Les aides pourraient également être dirigées vers le secteur des services, du tourisme et de la formation universitaire pour «renforcer l’emploi des jeunes». Lagarde et Wauquiez ont promis un prochain arrivage de ministres et de représentants du Medef.

«J’espère que l’on ira au-delà des mots et des voyages creux et que cela se concrétisera par des gestes forts et un réel partenariat, confiait hier soir Khadija Cherif de la Fédération internationale des droits de l’homme. Cette visite peut y contribuer. C’est positif, même si la France en fait trop après avoir été totalement défaillante.» Le déminage ne fait que commencer.

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