Organisée à Rabat par le Centre jordanien de protection des journalistes (CPLJ) et l’association marocaine Adala (Justice), son objectif est d’aider les avocats à "faire face au flou qui caractérise souvent, dans le monde arabe, les textes de loi relatifs à la liberté d’expression", a expliqué à l’AFP l’avocat égyptien Ihab Ibrahim.
"Dans les textes de loi, on retrouve souvent les expressions +tout ce qui est susceptible de porter atteinte à+. Cette formule est trop vague et cela favorise l’excès et les sanctions injustes", explique l’avocat qui enseigne la formation.
"La formation est ouverte à tous les avocats qui le souhaitent, et je m’intéresse aux questions liées à la liberté d’expression", indique Atiqa Elouaziri, une des 25 avocats marocains qui ont bénéficié de la formation assurée par deux experts juridiques égyptiens.
Les sessions suivantes sont prévues en Egypte et en Tunisie, d’après Jamila Sayouri, la présidente d’Adala.
Aucun pays de la région Moyen-Orient et Afrique du nord (Mena) ne figure dans les cent premiers du classement 2013 de la liberté de la presse publié fin janvier par l’ONG Reporter Sans Frontières (RSF). Comme le Maroc (136e), l’Irak (150e) et l’Egypte (158e), la plupart apparaissent même au-delà de la 120e place (sur 179), en dépit du Printemps arabe.
Pour Nidal Mansour, le président du CPLJ, les révolutions de 2011, qui ont conduit à la montée de courants islamistes, n’ont d’ailleurs pas mis fin aux procès politiques contre les journalistes, "bien au contraire".
"Les procès les plus fréquents dans le monde arabe opposent les journalistes aux +autorités politiques supérieures+ comme les ministres et les chefs d’Etat, a-t-il noté, mais les procès pour +atteinte à la religion+ sont aussi nombreux.
"Ni des anges, ni des êtres parfaits"
En outre, "les journalistes ne sont ni des anges ni des êtres parfaits. Il leur arrive de se tromper", a-t-il ajouté, et "c’est pour cela qu’ils doivent être protégés juridiquement avant et au cours du procès".
Il s’agit de chercher "à déceler les ambiguïtés de la loi et montrer que celle-ci n’est pas conforme aux normes internationales", a affirmé M. Mansour.
Au Maroc, un procès en cours illustre les risques encourus par les médias: le directeur de la publication de l’hebdomadaire Al-An, Youssef Jajili, est actuellement jugé pour "diffamation" pour avoir écrit qu’un ministre, islamiste, avait organisé un dîner privé avec de l’alcool, lors d’un déplacement à l’étranger, ce que ce responsable réfute.
Reporters sans Frontières critique le fait que le journaliste, qui risque jusqu’à un an de prison, "ait pu être entendu par la police judiciaire sur simple plainte du ministre sans même décision d’un juge", et demande "l’abandon de la procédure telle qu’engagée".
A l’occasion de la formation dispensée à Rabat, les avocats ont simulé une audience pour s’entraîner, devant défendre un journaliste accusé d’avoir "manqué de respect" à l’égard d’un homme d’affaires également haut responsable politique.
"Mon client est un industriel connu dans le pays, il fait travailler des dizaines, voire des centaines d’ouvriers. L’article insultant de ce journaliste risque de lui faire perdre des millions à la Bourse et jeter dans la rue toutes ces familles", a notamment clamé l’avocat du plaignant.
"Mais M. le juge, vous savez très bien qu’il ne s’agit pas seulement d’un homme d’affaires. Il est également ministre et député. Donc l’article écrit par mon client portait sur une personnalité publique", a rétorqué Atiqa Elouaziri, faisant valoir que "plus on est connu, plus on est considéré comme personnage public et plus on s’expose à la critique".
Malgré ses efforts, le journaliste a été condamné à deux ans de prison. Mais pour de faux et pour une fois, avec le sourire.