Stupeur et tremblement: le chef du FLN somme le puissant patron du DRS de partir
Dans une séquence inédite en Algérie: Amar Saadani, le secrétaire général du parti présidentiel le FLN, s’est livré à une attaque frontale sans précédent contre le général Mohamed Médiène (alias Taoufik), chef du puissant et redoutable DRS, et a appelé publiquement à sa démission. Cette sortie confirme que les couteaux sont tirés en haut lieu entre pro et anti Bouteflika, une passe d’armes dont l’issue reste dangereusement incertaine. La précampagne prend entre temps une tournure carnavalesque avec plus de 80 candidats quasiment déclarés sous le regard médusé de l’opinion.
"A mon avis, Toufik (ainsi communément nommé) aurait dû démissionner après ces échecs", a poursuivi M. Saâdani qui avait déjà vivement critiqué précédemment les services de renseignements militaires (Département du Renseignement et de la Sécurité, DRS), omniprésents dans la vie du pays.
Le patron du FLN cite notamment l’assassinat du président Mohamed Boudiaf en juin 1992, celui des moines français de Tibehirine, d’abord enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère du sud d’Alger, ou encore l’attentat manqué contre le président Bouteflika à Batna( sud est d’Alger), en septembre 2007.
"Personnellement, lorsque j’ai évoqué l’opportunité de séparer le DRS du politique, j’ai visé principalement le département de la sécurité intérieure", a-t-il dit. "Ce département avait failli dans la protection et la sécurité du président Mohamed Boudiaf. Il n’a pas su protéger Abdelhak Benhamouda, ni les moines de Tibehirine, ni les bases de pétrole dans le Sud, ni les employés des Nations unies en Algérie, ni le Palais du gouvernement. Cette direction n’a pas su bien protéger le président Bouteflika à Batna où il avait été la cible d’une tentative d’assassinat. A mon avis, Toufik aurait dû démissionner après ces échecs", a-t-il encore dénoncé.
Pour M. Saâdani, élu secrétaire général du FLN en août 2013 malgré la fronde de nombre de ses membres, "la présence de la sécurité intérieure dans toutes les institutions laisse l’impression que le pouvoir en Algérie n’est pas civil".
"Il faut savoir que c’est le département de la sécurité intérieure qui a gardé toujours un lien et une proximité avec la classe politique, la presse et la justice. J’ai dit et je le répète, ce département a interféré dans le travail de la justice, des médias et des partis politiques", a dénonce M. Saâdini, ajoutant que " Ce département outrepasse ses prérogatives".
"Au lieu de s’occuper de la sécurité du pays, ce département (DRS), s’est occupé des affaires des partis politiques, de la justice et de la presse", a accusé le patron du FLN.
M. Bouteflika a déjà opéré d’importants changements au sein du DRS début septembre suivis d’un important remaniement ministériel. Il a placé trois services névralgiques de l’armée, jusqu’à présent chapeautés par le DRS, sous l’autorité directe d’un proche, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major promu vice-ministre de la Défense, selon la presse qui n’a jamais été démentie.
A une question sur l’influence de Said Bouteflika, le frère du président, dans la gestion du pays, le chef du FLN parle de "rumeur" et de "mensonge".
Evoquant les affaires de corruption, notamment au sein du groupe public pétrolier Sonatrach impliquant l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khellil, M. Saâdani y voit la main du DRS "qui ne cesse d’inventer des histoires sur le cercle proche du président".
L’ancien ministre est poursuivi en Algérie mais aussi en Italie notamment pour escroquerie et corruption, tout comme un autre proche du cercle présidentiel l’ex golden boy Rafik Khalifa, extradé de Londres fin décembre pour être à nouveau jugé en Algérie.
A 76 ans dont presque 15 ans au pouvoir, M. Bouteflika est fragilisé par au moins un AVC, qui l’a hospitalisé 80 jours en France en 2013. Depuis son retour en juillet, il n’a jamais parlé à son peuple mais a reçu des personnalités étrangères et de proches collaborateurs.
Amar Saâdani s’est fait l’avocat d’un 4e mandat pour le président au nom de "la stabilité" du pays, mais l’intéressé ne s’est jusqu’à présent pas prononcé. "Il reste encore du temps" avant l’échéance du 4 mars à minuit, déclarait dimanche son Premier ministre Abdelmalek Sellal.