Le diamant centrafricain à la recherche d’une nouvelle légitimité
Rendu célèbre dans les années 80 par l’affaire du cadeau de l’empereur Bokassa au président français Valéry Giscard d’Estaing, le diamant centrafricain ne s’exporte officiellement plus depuis le renversement du président François Bozizé en mars 2013, suivi par la suspension du pays du processus de Kimberley
La Centrafrique produisait 300.000 carats par an avant la crise. Aujourd’hui la production avoisine les 70.000. Si les prix varient en fonction de la qualité et de la taille (plus le diamant est gros, plus ses carats sont chers), on estime à 120.000 FCFA (180 euros) le carat de bonne qualité.
Les experts de la certification ont estimé en mars 2013 que la prise du pouvoir par l’ex-rébellion Séléka à majorité musulmane et l’occupation des mines par ses éléments étaient un danger.
De sources concordantes, des diamantaires floués par le régime ont participé au financement de la Séléka pour renverser Bozizé.
Mais la situation s’est encore aggravée à partir de décembre 2013, quand la Séléka a été chassée du pouvoir et que le pays a plongé dans le chaos des violences inter-religieuses.
Aussi bien la Séléka que les milices chrétiennes anti-balaka se sont précipitées pour contrôler les mines dans leurs zones d’influence et en tirer les bénéfices.
Pour l’ancien Premier ministre Martin Ziguele, candidat à la prochaine présidentielle, "les mines de diamants et d’or sont facteurs de troubles. Les groupes luttent pour les contrôler. Si vous avez une arme, vous pouvez avoir des diamants. Et avec des diamants, vous avez les moyens de vous armer, d’entretenir une rébellion", explique-t-il.
Les forces onusiennes et française de Sangaris déployées dans le pays tentent de sécuriser les poches où se trouvent les groupes armés autour de certaines mines et l’administration, qui reprend petit à petit ses droits, tente de réintégrer le processus de Kimberley.
"Le diamant est vital pour les économies locales. Elles génèrent directement du travail mais aussi de l’activité dans les autres secteurs", affirme François Ngbokoto, fonctionnaire du ministère des Mines et coordonnateur de la feuille de route pour la levée de la sanction.
– Filières camerounaise, tchadienne, soudanaise –
La Centrafrique espère bénéficier en juin à Luanda, lors de la prochaine réunion Kimberley, d’une levée de l’embargo dans les régions contrôlées par l’administration.
Berberati et Nola, qui se trouvent dans des zones pacifiées du sud-ouest, pourraient ainsi être réintégrées dans le processus. Boda (sud-ouest également) pourrait suivre. Le Nord et l’Est et notamment la célèbre mine de Bria devront attendre d’être sécurisées. Ces secteurs sont actuellement sous contrôle au moins partiel de groupes armés qui les exploitent directement ou rackettent leurs travailleurs.
"Nous avons des zones vertes, oranges et rouges", explique M. Ngbokoto. "La priorité est qu’on puisse obtenir le droit d’exporter les diamants de ces zones vertes".
"En ce moment, si vous avez un diamant, vous n’avez le choix qu’entre stocker ou faire de la contrebande. Dans les deux cas, c’est un risque", résume-t-il.
Même si le prix local a baissé en raison de la suspension, il faut avoir les réserves financières suffisantes pour pouvoir acheter en attendant de vendre plus cher plus tard. "La plupart des centrales d’achat ont des activités parallèles dans d’autres secteurs comme l’immobilier ou les services pour pouvoir tenir le coup".
Quant à la contrebande, alimentée par l’embargo, elle a, à l’évidence, pris de l’ampleur dans un pays où l’administration est très faible. De source proche du milieu, il existe une filière camerounaise pour les diamants du Sud, et des filières soudanaise et tchadienne pour ceux du Nord.
Les autorités ont procédé à plusieurs saisies ces derniers mois, mais la levée de l’embargo est indispensable pour juguler l’hémorragie, explique M. Ngbokoto.
Tous les observateurs concordent: sans activité économique, il n’y aura pas de paix dans ce pays qui va de troubles en troubles depuis plus de trente ans.