François Hollande pris au piège de la primaire
S’il y a un engagement que François Hollande doit regretter amèrement aujourd’hui, c’est bien celui de descendre dans l’arène des primaires et participer à ses jeux éliminatoires. Il est vrai qu’il n’existe aucune déclaration publique dans laquelle le chef de l’Etat dit ouvertement sa volonté d’y participer mais la direction du Parti socialiste affirme avoir recueilli son assentiment.
Par Mustapha Tossa
Sauf que lorsque cette décision stratégique a été prise, sans doute l’entourage du chef de l’Etat la considérait-il comme une simple promenade de santé, une formalité ? L’interrogation politique de l’époque était la suivante : Qui mieux que François Hollande peut rassembler autour de son nom la majorité des courants socialistes ? Personne. Les autres concurrents comme Arnaud Montebourg ou Benoit Hamon, pour ne citer que les plus performants sur le plan médiatique, ont certes des idées pertinentes et des personnalités tout en relief. Mais le constat est le suivant: leur discours est trop clivant pour pouvoir dégager une majorité des socialistes. Ils sont perçus comme des candidats de niche ou d’appoint.
Cette lecture était la plus dominante dans les sphères socialistes. Jusqu’à l’organisation des primaires à droite et leur lot de surprises. La surprenante sortie de Nicolas Sarkozy considéré par certains comme le messie revenu réaliser une prémonition. La non moins surprenante défaite d’Alain Juppé, longtemps favori dans les sondages. Et la victoire inattendue d’un outsider nommé François Fillon. Ces primaires ouvertes de la droite et du centre ont certes secoué la galaxie des droites, mais elles ont provoqué aussi une onde de choc à gauche.
Et brusquement ce qui était perçu par l’Elysée comme une promenade de santé, une opération de séduction d’une base en mal de certitudes, est devenu une vrai clavaire semé d’embûches et d’incertitudes. Et si ces primaires à gauche se transformaient en une sorte de référendum anti-Hollande dans la même veine du rejet qui avait éjecté hors course Cécile Duflot chez les verts et Nicolas Sarkozy chez les Républicains.
Aujourd’hui des scénarios plus incertains les uns que les autres s’offrent à François Hollande. Ou il accepte de concourir dans ces primaires et court le risque d’être battu dès le premier tour comme les sondages le prévoient. Ce qui impactera fortement la fonction présidentielle puisque logiquement le 27 janvier prochain, la gauche connaîtra son champion et il restera jusqu’à la présidentielle presque cinq mois à gérer. Ou il refuse ces primaires et il concentrera sur sa personne la haine tenace des frondeurs à gauche pour qui ces primaires étaient une occasion d’exprimer leurs frustrations et leurs remontrances. Cette position serait selon Arnaud Montebourg " un coup de force inacceptable dont l’intéressé (Hollande) ne se relèvera pas".
François Hollande est vraiment pris dans le piège des primaires. Un pas en avant est c’est la défaite assurée selon les instituts de sondages. Un pas en arrière et c’est l’échec certain selon les tenants de la gauche frondeuse. Son premier ministre Manuel Valls qui le pousse à abandonner l’idée d’un second mandat ne lui facilite pas les choses. Non seulement il donne à l’opinion publique et à l’opposition l’impression que le pouvoir serait en train de vivre une crise institutionnelle. Mais ses impatiences répétées ne font que souligner les grandes hésitations de François Hollande. Pour sortir de ce piège, il faut à François Hollande beaucoup plus qu’une forme de roublardise dont il avait Fait preuve pour déminer les crises pendant sa longue vie de Premier secrétaire du PS. Il lui faut une sorte de baraka, de la même veine que celle qui avait provoqué un certain célèbre accident new-yorkais et qui lui avait pavé la route pour l’Elysée.