Qui sont les mineurs non-accompagnés ?
Les mineurs non-accompagnés (MNA) sont des étrangers de moins de 18 ans qui se trouvent en France sans adulte responsable. On parle aussi de "mineurs isolés étrangers", leur dénomination jusqu’en 2016.
Selon un rapport d’information au Sénat datant de juin, leur nombre a explosé ces dernières années: de 4.000 en 2010, ils sont passés à 13.000 en 2016 et on "pourrait dépasser 25.000" cette année.
Ce sont essentiellement des garçons (à 95 %), âgés de 15 à 18 ans (84 %) et originaires d’Afrique (70 %).
Leur profil diffère sensiblement de celui des migrants adultes: beaucoup sont "mandatés" par leur famille, leur parcours "est bien souvent organisé par des filières", et ils cherchent plus "des opportunités économiques" que l’asile, affirme le rapport.
Quel parcours en France ?
Les mineurs, non soumis aux règles de séjour des étrangers, ne sont pas expulsables. Ils relèvent de l’aide sociale à l’enfance (ASE), donc des départements, dans un parcours complexe.
Lorsqu’un mineur arrive, il est évalué par le département qui a cinq jours en théorie pour mener des entretiens. En cas de doute sur leur âge, le juge peut être saisi pour procéder à des tests osseux, très contestés par certains: une loi de 2016 a limité le recours à ces tests, sans le supprimer.
Si le jeune est reconnu mineur, le juge va décider son placement. Depuis 2016 une "clé" de répartition entre départements, révisée chaque année, est utilisée, sur la base de critères démographiques et d’efforts déjà consentis: ainsi le Nord devait accueillir 4,57 % des MNA pour 2017, Paris 2,25 % et la Lozère 0,11 %.
S’il est reconnu majeur, le jeune peut saisir le juge en vue d’une réévaluation.
Quelles difficultés ?
Les difficultés sont d’une part financières. Chaque jeune isolé coûte 50.000 euros par an selon les départements, qui chiffrent à "un milliard d’euros" la
facture totale pour 2017.
L’État compense à hauteur de 250 euros par jour pendant les cinq jours de l’évaluation. Mais dans certains départements la durée s’allonge: 60 jours en Seine-Saint-Denis, 30 à Paris…
L’État vient de donner un coup de pouce de 6,5 millions d’euros, jugé insuffisant par les départements qui rappellent la saturation généralisée des structures d’hébergement et d’accueil. Autre problème, malgré un "référentiel" national fixé en 2017, les procédures ne sont pas harmonisées, notamment dans le recours aux tests osseux, très fréquent dans certains départements et bannis ailleurs.
Les résultats s’en ressentent: si 40 % des évaluations concluent à la minorité à l’échelle nationale, on tombe à "15 % dans certains départements" selon le rapport.
La clé de répartition, qui ne prend en compte que les mineurs confiés l’année précédente, est aussi critiquée: ainsi les Alpes-maritimes, qui voient arriver de nombreux migrants d’Italie, "continuent d’accueillir des mineurs réorientés depuis d’autres départements"…
Les associations, elles, dénoncent une méfiance préjudiciable aux jeunes, dont le récit est trop systématiquement mis en doute.
Elles s’inquiètent aussi du sort des jeunes évalués majeurs mais qui demandent une réévaluation: "Ils ne sont en fait pas admis dans les dispositifs pour majeurs et errent dans une zone grise qui peut durer 14 mois", assure Corine Torre de Médecins sans frontières.
Quelles solutions ?
"Il faut qu’on trouve une solution", a reconnu jeudi Édouard Philippe, en suggérant que l’État se dote "d’une capacité à décider notamment de la majorité ou de la minorité".
Une "phase de concertation" avec les départements a été lancée en septembre, autour de la phase d’évaluation et de mise à l’abri, et la lutte contre les trafics notamment.
Le rapport du Sénat plaide aussi pour des "partenariats" entre départements et État, voire des "plateformes spécifiques" pour l’évaluation et la mise à l’abri.
Les associations, elles, mettent en garde contre toute démarche qui sortirait les mineurs des dispositifs de protection de l’enfance. "Un enfant reste un enfant, avant d’être un migrant", martèle Mme Torre.