Un atterrisseur arrive lundi sur Mars pour écouter son intérieur
Pour la première fois, l’humanité va coller son oreille contre le sol de Mars pour écouter les frémissements de ses entrailles.
C’est la première fois depuis 2012 qu’un engin tentera de se poser sur Mars, depuis le véhicule Curiosity de la Nasa, le seul encore actif sur la planète. Seuls les Etats-Unis ont réussi à y poser des robots. L’URSS a écrasé plusieurs atterrisseurs, tout comme les Européens, tout récemment en 2016.
"Atterrir sur Mars est vraiment, vraiment difficile", a prévenu Thomas Zurbuchen, chef du directorat scientifique de la Nasa, l’agence spatiale américaine qui a approuvé la mission de près d’un milliard de dollars il y a sept ans.
La descente à travers l’atmosphère durera six minutes et demi.
"Lundi soir on va vivre +les sept minutes de terreur+", dit le patron du Cnes, Jean-Yves Le Gall, à l’AFP.
C’est la saison des tempêtes de poussières sur Mars. Aux dernières nouvelles, la météo était bonne. Le bouclier thermique de l’engin a de toute façon été renforcé. Quoiqu’il arrive, l’atterrissage sera tenté.
"Ce sera une entrée balistique, nous ne pouvons rien changer", a dit le chef de la mission à la Nasa, Tom Hoffman.
Pratiquement tout ce que l’on sait sur l’histoire de la formation de la Terre et sa composition interne vient de la sismologie.
Les planètes telluriques, c’est-à-dire rocheuses et similaires à la Terre, ont toutes été formées à partir des mêmes matériaux de base, ceux qui composent les météorites. Il y a des milliards d’années, des nébuleuses de matières se sont condensées. Progressivement, des boules se formèrent. La pression s’intensifia au coeur, la température augmenta, l’intérieur fondit, de nouveaux matériaux se créèrent, puis refroidirent… Un lent processus d’accrétion.
Mais si les ingrédients de base sont identiques, pourquoi la Terre est-elle bleue, Mercure une fournaise invivable, et Mars rouge et froide, avec une atmosphère cent fois moins dense que la Terre, et sans tectonique des plaques?
Ecouter l’intérieur de Mars permettra de faire le tri entre les diverses théories de la formation des planètes.
Le sismomètre, composé en fait de six sismomètres, sera posé directement sur le sol et écoutera les plus infimes vibrations, dans une immobilité parfaite, protégé par un dôme de protection.
Qu’entendra-t-il? Les ondes de choc des météorites qui se fracassent régulièrement sur Mars; les tremblements de terre; le craquement des couches, leurs déformations, les failles sous la surface; même l’attraction créée par la petite lune Phobos.
Les gigantesques volcans martiens sont éteints depuis longtemps, mais "il est possible que nous entendions le mouvement de magma, très profondément", dit à l’AFP Sue Smrekar, responsable adjointe de l’équipe scientifique.
Les ondes, en traversant les couches, seront déformées, ralenties ou accélérées, et émettront comme des musiques différentes. Elles aideront les scientifiques à dessiner progressivement une carte intérieure de Mars et à répondre peut-être aux questions suivantes: le noyau est-il liquide ou solide? Quelles sont l’épaisseur et la composition du manteau et de la croûte?
Un autre instrument, allemand, HP3, est une sorte de thermomètre qui captera les flux de chaleur venant des tréfonds. Il ressemble à une taupe reliée par une laisse à l’atterrisseur, et qui creusera de 3 à 5 mètres de profondeur.
L’intérêt de Mars, qui fait environ la moitié de la taille de la Terre, est que l’absence de tectonique des plaques a permis de préserver la structure initiale de la planète, contrairement à notre planète.
Si l’atterrissage se passe bien, la confirmation pourrait arriver en quasi-temps réel, en incluant les huit minutes et sept secondes de voyage Mars-Terre.
Un "bip" attendu à 20H04 GMT et qui sera sans doute accueilli par une clameur au Jet Propulsion Laboratory à Pasadena, près de Los Angeles, le centre de contrôle de la Nasa.