Autrefois garante de bonne santé, la viande animale surtout rouge est aujourd’hui dans le collimateur, critiquée pour son impact climatique et ses effets sanitaires potentiels.
Selon les scénarios de neutralité carbone à l’horizon 2050, la consommation de viande animale devra baisser de 20% à 70%. De quoi, théoriquement, ouvrir des champs d’opportunités aux substituts de viande.
+La valeur nutritionnelle pas souvent au rendez-vous+
De plus en plus visibles dans les rayons, ces produits incarnent une transformation majeure des habitudes alimentaires qui plus est dans le pays de la gastronomie par excellence.
Filet marbré aux haricots rouges, steak haché de lentilles corail, jambon aux pois chiches…Les start-ups françaises spécialisées dans les substituts végétaux rivalisent de créativité pour proposer des produits aux goûts et formats innovants, lesquels entendent répondre à une double promesse : réduire l’empreinte carbone tout en préservant la santé.
Selon de récentes statistiques, 47% des Français se déclarent flexitariens, c’est-à-dire qu’ils suivent un régime majoritairement végétarien, mais consomment occasionnellement de la viande sous divers prétextes : le coût (50%), l’impact sur la santé (48%) et les préoccupations environnementales (25%).
En 2023, le marché des substituts végétaux en France représentait 648 millions d’euros, avec 18,3 millions de kilogrammes vendus. Mais malgré cet essor, deux obstacles majeurs persistent pour les producteurs, à savoir, offrir une expérience gustative convaincante face à une viande encore perçue comme référence culturelle et sensorielle et répondre au dilemme santé/écologie, car beaucoup de produits végétaux sont ultra-transformés et trop riches en sel, additifs ou exhausteurs artificiels de goût.
D’ailleurs certaines ONG de défense des consommateurs sont montées au créneau, mettant en garde contre la composition de ces substituts et pointant un écart entre leur réputation « saine » et leur valeur nutritionnelle réelle.
+Une bataille juridique autour des appellations+
L’encadrement réglementaire des substituts de viande est, lui aussi, en pleine mutation. En 2020, le Parlement français a voté l’interdiction d’utiliser des termes associés à la viande animale pour désigner des produits à base de protéines végétales « steak de soja », « saucisse végétale ». Deux décrets ont été adoptés dans ce sens en 2022 puis en 2024.
Toutefois, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a désavoué le législateur français, tranchant en faveur d’une approche unifiée à l’échelle européenne.
Selon sa décision d’octobre 2024, les États membres ne peuvent pas imposer de restrictions nationales supplémentaires sur les appellations des produits végétaux.
Cette décision a eu comme conséquence directe l’invalidation par le Conseil d’État français, en avril dernier, des deux décrets interdisant l’usage de la terminologie propre à la viande animale pour désigner des produits à base de protéines végétales, réaffirmant la primauté du droit européen en matière de commercialisation et d’étiquetage.
+Le succès des autres alternatives végétales+
Outre les substituts de viande, d’autres produits dérivés végétaux connaissent un engouement croissant, notamment dans le secteur des laitages : lait d’avoine, fromage de soja, yaourt végétal etc.
En 2024, le marché global des alternatives végétales (incluant viandes, laits, yaourts, etc.) a atteint 750 millions d’euros en France. Les laits et boissons végétales représentent à eux seuls 221 millions d’euros, soit environ 33 % du marché.
Les substituts de viande s’imposent ainsi progressivement dans le paysage alimentaire français, soutenus par une demande croissante et des impératifs écologiques. Toutefois, leur pérennité dépendra de plusieurs conditions, notamment leur capacité à rassurer les consommateurs sur leur qualité nutritionnelle et gustative, leur respect des règles de traçabilité et de transparence, mais surtout une acceptation culturelle qui, en France, reste encore marquée par l’attachement à la viande.
Le sémiologue et critique littéraire Roland Barthes l’avait bien résumé : « Le bifteck est, en France, élément de base, nationalisé plus encore que socialisé ; il figure dans tous les décors de la vie alimentaire».
