Casablanca : l’église Buenaventura, témoin de la culture de tolérance ancrée dans la société marocaine
L’église, baptisée du nom du père Buenaventura Ellaury, président de la mission catholique à Casablanca entre 1889 et 1891, répondait à une nécessité croissante des fidèles catholiques notamment Espagnols qui affluaient sur la ville vers la fin du XIX siècle, se hissant en 1907 au rang de la plus grande communauté d’immigrés étrangers.
Les Espagnols s’activaient essentiellement au port, dans les chantiers navals ou dans les sociétés de traitement et d’exportation des céréales.
Afin de permettre à ces ressortissants d’exercer leur culte dans un endroit adapté, le représentant de l’État espagnol à Tanger a soumis une requête portant sur l’acquisition d’un lot de terrain. Le Sultan Moulay El-Hassan a bien voulu accéder à cette demande à l’occasion de sa visite dans la ville en 1877.
Il fit don au roi d’Espagne d’un lot à l’intérieur des murailles, et chargea Haj Abdallah Hassar, Caïd de la ville, Abdessalam Bennani et Haj Mohammed Torres, intendants du port d’en préciser la localisation. Ainsi, le choix a été porté sur un lot situé rue de Tanger, d’une superficie de 1260 m² (42 mètres sur 30).
Faute de moyens, les travaux de construction de l’église ne seront lancés que 23 ans plus tard. La première pierre fut enfin posée le 18 décembre 1889, en présence de nombreuses personnalités. Après un peu plus d’une année de travaux, il a été procédé à l’inauguration officielle de l’église le 2 février 1891. L’édifice comprenait aussi une habitation, un logement pour les missionnaires, une école, un refuge pour les sans-abris et des dépôts de provisions.
L’église a d’abord été baptisée du nom de Saint-Buenaventura des Franciscains, en référence au père Buenaventura Ellaury, mais plus tard elle fut connue plus sous le nom de Buenaventura, vu qu’il s’agissait alors de la seule église bâtie intra-muros.
A cet égard, Walid Ismail Saad, chercheur en patrimoine et management des villes et territoires, a souligné, dans une déclaration à la MAP, que la valorisation du patrimoine est une nécessité primordiale tant sur le plan économique qu’en termes de préservation de l’héritage historique des nations, notant que le tourisme culturel devient désormais un levier important du développement économique et de promotion de l’image des pays à l’international.
Selon cet ancien conservateur régional du patrimoine culturel Casablanca-Settat, le Maroc, partant de sa conviction de l’importance de ce domaine sur les plans économique et culturel, accorde davantage d’attention aux compétences oeuvrant pour la restauration et la préservation du patrimoine, une mission qui requiert une technicité et un savoir-faire particuliers, notant qu’outre l’aspect économique, le patrimoine est un facteur de cohésion sociale dans la mesure où il constitue une source de fierté pour tous les Marocains qui tiennent à promouvoir et préserver « notre histoire riche et diversifiée ».
Evoquant l’église Buenaventura, l’expert a relevé que « Casablanca parlait beaucoup plus espagnol que français », la preuve en est l’existence de la représentation consulaire espagnole depuis 1861, précisant qu’il y avait des échanges commerciaux entre Casablanca, les régions de Tamsna et Fdala qui exportaient des produits agricoles vers l’Espagne et importaient des produits manufacturiers.
Et de relever que le Sultan Moulay El-Hassan a bien voulu offrir un lieu de culte à cette communauté estimée à plus de 20 mille à l’époque pour accomplir ses prières et organiser leurs Baptêmes et mariages, soulignant que cela illustre l’esprit marocain tolérant et ouvert à toutes les cultures et religions.
L’activité de l’église s’est déclinée après le départ des étrangers avec l’avènement de l’indépendance. Après avoir fermé ses portes en 1968, l’édifice se dégrada avec le temps par manque de moyen avant d’être sauvée dans le cadre du projet de réhabilitation et de mise à niveau de l’Ancienne Médina de Casablanca à partir de 2010.
L’église a été transformée en établissement socioculturel baptisé « Maison de culture Ancienne Médina ».