Ironie de l’histoire, malgré une crise bilatérale qui dure depuis des décennies sanctionnées par un rupture des relations diplomatiques et la fermeture des frontières terrestres et aériennes, le Maroc et l’Algérie n’ont pas d’ambassadeur à Paris. Un cliché politique choc qui inspire tous les commentaires. Une situation inédite qui interroge sur l’avenir de cette relation si spéciale entre Paris et les capitales du Maghreb.
Une vacance diplomatique simultanée qui scelle encore plus le destin médiatique des deux pays mais qui focalise la lumière davantage sur les choix diplomatiques français à l’égard du Maghreb et qui interpelle frontalement son approche. C’est dire à quel point il y a une urgence à rectifier le tir et à clarifier les enjeux sous peine de généraliser les ruptures entre Paris et cette région du Maghreb, si vitale pour les intérêts de la France et de l’Europe.
Et s’il y a un homme qui doit avoir la migraine à force de tourner ces plans diplomatiques maghrébins dans sa tête, c’est bien le président Emmanuel Macron. Le locataire de l’Elysée croyait avoir tracé clairement son projet pour la région. Un tropisme algérien assumé pour cause de ce que l’ancien ambassadeur français en Algérie Xavier Driencourt appelle « le piège mémoriel », Emmanuel Macron avait misé sur le régime algérien du duo Tebboune/Changriha et avait ostensiblement affiché une sourde oreille aux demandes légitimes du Maroc.
Lorsqu’en plein enthousiasme algérien du président Macron, des voix se sont élevées en France pour l’inviter à ne tenter de gagner Alger au risque de perdre Rabat, le président français ne semblait pas réceptif à ces demandes. Il s’est contenté de dépêcher sa ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna pour mettre du baume sur le cœur des marocains.
Dans cette tentative, la cheffe de la diplomatie français avait redit la position traditionnelle de la France qui estime depuis 2007 que l’option de l’autonomie était sérieuse et crédible, mais n’a pas prononcé les mots magiques qu’attendaient les marocains, à savoir que l’autonomie proposée par le Maroc est la seule solution envisageable dans cette crise, ce qui équivaudrait à reconnaître de facto la souveraineté du Maroc sur son Sahara.
Paris avait tenu cette position claire obscure pour satisfaire les exigences de son nouvel allié, l’Algérie. Or ce qui vient de se passer autour de l’affaire Amira Bouraoui, même s’il est généralement admis qu’elle n’est que le symptôme visible d’une crise plus profonde, doit logiquement interpeller les choix français sur le Maghreb. Cette ébullition médiatique et ses menaces de ruptures avec la France brandies par le régime algérien doivent nécessairement interpeller les centres de décisions diplomatiques à Paris.
Et Si Emmanuel Macron enivré par l’obsession de laisser une trace dans l’histoire des relations entre la France et l’Algérie, notamment sur le terrain de la réconciliation mémorielle, s’est volontairement infligée une myopie politique sur cette région au point de ne pas adopter les approches pertinentes et réalistes qui garantissent l’excellence du partenariat stratégique entre la France et ces capitales du Maghreb.
Au bout du compte, ne voulant pas fâcher Alger, Paris hésite à répondre favorablement aux demandes de Rabat. Aujourd’hui Paris risque de perdre Alger et Rabat et se trouve à la croisée de choix difficiles avec le Maghreb. La politique du clair-obscur, la tentative de tenir le manche par le milieu, le petit jeu extrêmement délicat d’équilibriste pratiqué par la diplomatie française dans cette région n’est plus de mise. Les nouveaux rapports de forces et les nouvelles équations régionales l’ont rendu caduc.
La balle est aujourd’hui dans le camp d’Emmanuel Macron. Le régime algérien a montré son côté instable, sa gestion par l’humeur des grands enjeux internationaux au point que les services français, qui connaissent à fond les enjeux algériens, laissent pointer leur agacement en estimant que le traitement des actuels responsables algériens relève plus de la psychiatrie que de la diplomatie.
Avec le Maroc les enjeux sont d’une incontestable limpidité. Le Maroc demande à la France d’être à la hauteur des ambitions affichées de leur partenariat stratégique et de reconnaître sa souveraineté sur son Sahara. Cette demande marocaine apparaît aujourd’hui comme le seul obstacle à la future visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc.
Les raisons invoquées par la diplomatie française pour ne pas oser ce choix stratégique sont invalidées par l’effervescence et l’instabilité diplomatique du régime algérien. Pour ne pas continuer à crisper le Maghreb, Emmanuel Macron est sommé de faire les bons choix qui vont dans le sens de la stabilité régionale et des intérêts économiques des deux rives de la Méditerranée.