L’analyste espagnol Pedro Canales épingle « le ton belliqueux et accusateur » d’Alger contre le Maroc
L’analyste géopolitique espagnol, Pedro Canales, a pointé du doigt « le ton belliqueux et accusateur » utilisé par les autorités algériennes contre le Maroc qui pourrait conduire à un « choc partiel, limité dans le temps et dans l’espace ».
Selon Pedro Canales, ancien correspondant de plusieurs médias espagnols au Maroc et éditorialiste du magazine « Atalayar », le Maroc avait fait savoir qu’il « ne voulait pas la guerre; et pour qu’il y ait guerre, il faut qu’il y ait deux protagonistes ».
« Cependant si l’on prend en compte le ton belliqueux et accusateur d’Alger, un choc partiel pourrait avoir lieu, dur, mais il serait limité dans le temps et dans l’espace », a-t-il souligné dans une interview à l’agence MAP.
Selon lui, « il est également possible que les décisions prises à chaud par le gouvernement algérien, de rompre les relations diplomatiques et de fermer l’espace aérien aux avions marocains, aient été une réaction irascible et irresponsable à la position exprimée par l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Omar Hilale » au sujet de l’autodétermination du peuple Kabyle.
« Or, il est étonnant de voir qu’Alger n’a pas pris compte, et n’a rien dit, après le discours du roi Mohammed VI, dans lequel il affirme que les cinq peuples du Maghreb veulent la paix et un développement harmonieux et coopératif ».
Après avoir fait un rappel historique des « moments de grande tension bilatérale » vécus entre le Maroc et l’Algérie en 1963 (guerre des sables) et 1976 (batailles d’Amgala), Pedro Canales estime que « la gravité de la situation actuelle vient premièrement du fait que (…) l’Algérie n’accepte pas la main tendue du roi Mohammed VI du Maroc » pour engager un dialogue.
« Deuxièmement, la rupture des relations diplomatiques, décidée unilatéralement par le gouvernement algérien, crée un terrain favorable à un scénario plus grave », a encore dit l’analyste espagnol.
S’agissant de la fermeture par Alger du gazoduc Maghreb/Europe, Pedro Canales a estimé que « cette décision algérienne arbitraire est non seulement contraire au droit international, mais elle porte un grave préjudice à des tiers, principalement l’Espagne et le Portugal, et dans une moindre mesure au Maroc ».
Pour lui, « c’est une décision contraire au droit international, car aucun des partenaires de l’Algérie dans le gazoduc Maghreb/Europe n’a été consulté », expliquant dans ce sens que « l’Espagne, le Portugal et le Maroc ont investi des capitaux dans le projet; ils ont mis des terres à sa disposition; ils assurent le bon fonctionnement des installations, et sont donc partenaires à part entière de l’Algérie dans ce projet ».
Pedro Canales a déploré que « l’Espagne et le Portugal ont subi un coup très dur, à un moment où la population ibérique fait face à une augmentation inédite des prix de l’énergie avec une saison hivernale qui s’annonce très froide. Le Maroc, en revanche, peut faire face plus facilement au coup de l’État algérien, puisque le gaz qui transitait par le gazoduc représentait une part minime de sa consommation ».
Pedro Canales a, par ailleurs, relevé les divergences entre l’Algérie et le polisario au sujet de la proposition d’autonomie au Sahara. « Ils ne disent pas la même chose », a-t-il insisté, expliquant que « le polisario a accepté à plusieurs reprises de discuter de la proposition d’autonomie avancée », alors que « l’Algérie, particulièrement ces derniers temps, refuse catégoriquement de parler du Plan d’autonomie et s’accroche à un référendum irréalisable, démontrant ainsi qu’elle est une partie impliquée dans le conflit et non pas un simple observateur ».
En réponse à une question sur une guerre supposée au Sahara, Pedro Canales a fait remarquer que « les communiqués de guerre émis par le Polisario sont des balles en blanc. Il les publie pour garder le soutien de ses inconditionnels en Espagne et en Europe, qui le nourrissent d’argent, de vivres et de véhicules de transport, et pour se justifier devant la direction militaire algérienne qui exige de lui ‘une main dure’ ».
L’expert espagnol, qui est un des meilleurs connaisseurs de l’histoire du conflit, a fait savoir que « l’Algérie fournit des armes au polisario, mais ce ne sont pas des armes modernes ; il s’agit d’armes conventionnelles dépassées, qui ne peuvent pas affecter sérieusement le Maroc ».
Qualifiant « d’impensable » l’éventualité de revenir à la situation d’avant l’accord de 1990, Pedro Canales a expliqué que dans un tel cas « le polisario perdrait le soutien qu’il pourrait encore avoir, et l’Algérie ne pourrait pas le justifier auprès de ses alliés, qui réclament tous des négociations de paix et une solution réaliste. Personne ne soutient une action armée ».
S’agissant des raisons de cette tension avec le Maroc, l’expert espagnol a indiqué que « la direction militaire algérienne veut faire taire les voix qui ne sont pas d’accord avec la tempête guerrière que certains commandants militaires veulent provoquer » dans la région.
Il rappelle qu’ils sont « nombreux les Algériens qui se souviennent encore du soutien que leur ont apporté le sultan Mohammed V et le roi Hassan II, alors prince héritier, dans la lutte contre le colonialisme ».
A l’époque, « le cœur battant de la guérilla algérienne était alimenté par les 6 usines d’armement installées au Maroc qui fournissaient des armes à l’Armée de libération ; tandis que le cerveau de la révolution algérienne était installé à Nador, où le MALG (Ministère de l’armement et des liaisons générales algérien) présidé par Abdelhafid Boussouf, avait son siège ».
Il a ajouté que des « Algériens ayant marqué l’histoire de leur pays le savent. Certains d’entre eux sont encore en vie et n’accepteront jamais une aventure militaire contre le Maroc », citant notamment Lakhdar Ibrahimi, ancien ministre des Affaires étrangères et Dahou Ould Kablia, ancien ministre de l’Intérieur. « Tous sont des combattants vétérans de l’Armée de libération, et ils n’accepteront pas de poignarder le pays qui les a aidés pour leur indépendance ».
Pedor Canales a enfin loué « l’attitude du Maroc de garder le silence face au chahut généré à Alger. Il me paraît sage et juste », a-t-il conclu.