Espagne : le gouvernement le plus féminin de l’histoire du pays a prêté serment
Un gouvernement socialiste de onze femmes et six hommes, le plus féminin que l’Espagne ait connu, a prêté serment jeudi avant de relever un défi sans précédent : diriger le pays avec l’appui de moins d’un quart du Parlement.
L’un après l’autre, dans un grand salon du palais de la Zarzuela au nord-ouest de Madrid, les ministres de Pedro Sanchez ont juré loyauté au roi Felipe VI et ont promis de "respecter et faire respecter la Constitution" que les sécessionnistes au pouvoir en Catalogne, quant à eux, ne reconnaissent plus.
Première à s’asseoir dans son nouveau fauteuil, la vice-présidente et ministre de l’Egalité, Carmen Calvo, a assuré que le gouvernement allait "travailler chaque jour" pour "construire la grande égalité, celle qui concerne les hommes et les femmes".
La première mesure que les socialistes vont proposer au parlement concernera la formation du personnel judiciaire pour faire face à la "violence de genre", a annoncé la chef du groupe parlementaire socialiste Ariana Lastra.
Pedro Sanchez, 46 ans, a détrôné la semaine dernière le conservateur Mariano Rajoy dont le parti venait d’être condamné dans un procès pour corruption.
En composant son équipe, il a multiplié les messages aux marchés financiers, à l’Europe et à l’électorat espagnol.
"Calvaire"
La presse espagnole dans son ensemble a salué le succès de l’opération et "la bonne image" que donne ce gouvernement. Mais elle souligne qu’avec 84 députés socialistes sur 350, Pedro Sanchez cherche surtout à redorer le blason de son parti avant de devoir convoquer des élections anticipées.
Déjà, le chef de la gauche radicale Podemos, Pablo Iglesias, qui avait demandé à entrer au gouvernement, a prédit qu’être à la tête "du gouvernement le plus faible de l’histoire allait probablement être un calvaire pour Pedro Sanchez". "Ils ont voulu gouverner seuls, je leur souhaite bonne chance", a-t-il dit à la télévision.
En plaçant des femmes aux postes-clés, économie, finances, industrie, défense, justice, santé et éducation, Sanchez reconnaît leur poids croissant dans la société espagnole, qui s’est manifesté avec une ampleur inédite à l’occasion d’une première "grève générale féministe" le 8 mars dernier.
A un moment où l’euroscepticisme progresse sur le continent, il réaffirme aussi l’attachement de l’Espagne à l’Union européenne en nommant aux Affaires étrangères Josep Borrell, un ancien président du Parlement européen, et à l’Economie l’actuelle directrice du budget de l’UE Nadia Calviño.
Cette dernière sera la garante du respect de l’orthodoxie budgétaire, Bruxelles doutant que le budget 2018, hérité du gouvernement Rajoy et que Pedro Sanchez s’est engagé à respecter, permette de remplir l’objectif de ramener le déficit public à 2,2 % du PIB.
"Message reçu"
Le nouveau chef du gouvernement, qui n’est arrivé au pouvoir qu’avec les voix des séparatistes catalans et basques, a confirmé par ces nominations son attachement à l’unité de l’Espagne.
Meritxell Batet, une Catalane, aura à traiter en tant que ministre de l’Administration territoriale avec le gouvernement régional sécessionniste catalan qui, pour sa part, a évité de jurer respect à la Constitution quand il a prêté serment samedi.
Catalan lui aussi, le chef de la diplomatie Josep Borrell est un adversaire redouté des indépendantistes, décidé à contrer le succès de leur "propagande" à l’étranger.
Le nouveau ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, est un magistrat basque qui a instruit des dossiers contre l’organisation indépendantiste armée ETA. "C’est le juge qui m’a envoyé deux fois en prison" a tweeté le chef du petit parti indépendantiste basque EH Bildu, Arnaldo Otegi, "message reçu".
"Le président marque un point", écrit l’éditorialiste conservatrice Victoria Prego dans El independiente. "C’est un bon gouvernement pour répondre aux besoins des Espagnols (et) son objectif est de récupérer les millions de voix que le Parti socialiste a perdues", au profit des nouveaux partis, Podemos sur sa gauche et Ciudadanos au centre.
Un enthousiasme pas toujours partagé à droite. "Ils vont augmenter les impôts pour faire leurs dépenses sociales et ça finira comme la dernière fois", a prédit Daniel Garcia, un professeur retraité de 71 ans, accusant le précédent gouvernement socialiste d’avoir laissé un pays "ruiné" en 2011.