Traitements et vaccins contre le Covid-19 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
Avec le début des campagnes de vaccination contre le coronavirus en Europe et aux Etats-Unis, les craintes grandissent sur la possibilité que certains pays, en conflit ou en grande difficulté face à la crise sanitaire, prennent du retard, voire soient délaissés.
Si l’oxygène et les respirateurs artificiels sont utilisés par la plupart des pays pour les cas de Covid-19 les plus graves, selon les moyens dont ils disposent, les types de traitements et les vaccins diffèrent. Voici un tour d’horizon des médicaments utilisés et des plans de vaccination au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Algérie
Pour traiter les patients hospitalisés, l’Algérie a opté dès le départ pour l’hydroxychloroquine combinée selon les cas avec un antibiotique, un corticoïde (la prednisolone ou la dexamethasone) et des anticoagulants, selon le docteur Bekkat Berkani, membre du Comité de suivi de l’évolution de la pandémie.
L’hydroxychloroquine est habituellement utilisée selon les pays comme traitement du paludisme ou de maladies auto-immunes et son efficacité contre le Covid-19 fait débat.
« Les laboratoires ont tenté de faire croire que l’hydroxychloroquine était inefficace et risquait d’être dangereuse. Or elle est prise à des fins antipaludéennes dans le monde entier », affirme le Dr Berkani, citant le controversé professeur français Didier Raoult et l’expérience chinoise comme cautions.
Le plus grand pays d’Afrique n’a pas encore tranché pour le vaccin. Le Premier ministre Abdelaziz Djerad a assuré que l’Algérie « acquerrait un vaccin anticoronavirus présentant des garanties certaines, d’où l’impératif d’éviter toute précipitation ».
Arabie saoudite
Plusieurs médicaments sont prescrits dans le royaume, dont l’hydroxychloroquine pour les formes légères et modérées, et la dexamethasone pour les patients sous respiration artificielle.
L’antiviral remdesivir, initialement développé contre la fièvre hémorragique Ebola, avait d’abord été recommandé pour les cas critiques mais les médias d’Etat ont indiqué qu’il avait « peu ou pas d’effet » sur les formes graves de Covid-19.
Pays le plus touché de la péninsule arabique, l’Arabie saoudite a approuvé le vaccin américano-allemand Pfizer-BioNTech. Le ministre de la Santé, Tawfik al-Rabiah, était parmi les premiers à se faire vacciner le 17 décembre.
Bahreïn
Ce petit royaume du Golfe a utilisé l’hydroxychloroquine à partir de mars, le chef du groupe de travail dédié à la pandémie, cheikh Mohammed Abdullah Al-Khalifa, ayant affirmé que ce traitement avait prouvé son efficacité en réduisant les symptômes.
Bahreïn a aussi utilisé la thérapie au plasma, qui consiste à transfuser aux malades cette partie liquide du sang de patients guéris, afin qu’ils bénéficient de leurs anticorps.
Le 13 décembre, Manama a approuvé le vaccin chinois Sinopharm pour le personnel de santé en première ligne, après avoir approuvé le Pfizer-BioNTech.
Egypte
Les hôpitaux égyptiens utilisent différentes méthodes, dont l’antibiotique azithromycine, le paracétamol, des corticoïdes et des anticoagulants.
Pays le plus peuplé du monde arabe avec plus de 100 millions d’habitants, l’Egypte a reçu 100.000 doses du vaccin Sinopharm, selon le ministère de la Santé. Et le ministère des Finances a indiqué cette semaine que plus de 20 millions de doses avaient été commandées.
Le président, Abdel Fattah al-Sissi, a déclaré qu’il faudrait attendre juillet 2021 pour une campagne de vaccination de masse.
Emirats arabes unis
L’hydroxychloroquine est utilisée pour soigner les formes légères et modérées de Covid-19. Quelque 240 patients ont bénéficié d’une thérapie au plasma, avaient indiqué en juin les services de santé d’Abou Dhabi.
La campagne de vaccination a commencé à la mi-décembre, quelques jours après l’autorisation du vaccin Sinopharm qui ne soulève selon les autorités « pas de sérieuse inquiétude sur sa sûreté ».
Irak
Les hôpitaux irakiens ont pour ordre de traiter les formes légères avec l’antiviral favipiravir, habituellement utilisé pour plusieurs formes de virus dont la grippe, et la thérapie au plasma si besoin.
Les cas graves doivent être traités principalement par du remdesivir, des thérapies au plasma et l’anticorps immunosuppresseur tocilizumab.
Si l’hydroxychloroquine ne figure pas parmi les recommandations du ministère de la Santé, des patients ont indiqué à l’AFP que le traitement leur avait été proposé.
Selon le porte-parole du ministère, Seif al-Badr, les autorités négocient avec plusieurs laboratoires, parmi lesquels Pfizer, mais n’ont pas pris encore de décision.
Le pays fait partie de l’Alliance du Vaccin Gavi, qui supervise Covax, le dispositif onusien d’accès mondial au vaccin, notamment pour les pays pauvres, et dont les membres obtiendront des doses.
Des responsables occidentaux ont confié à l’AFP que Washington faisait pression sur Bagdad pour choisir le vaccin Pfizer-BioNTech.
Iran
Pays le plus touché par la pandémie au Moyen-Orient, l’Iran utilise, selon le ministre de la Santé, Saïd Namaki, l’antiviral remdesivir dont l’impact a été « relatif » sur la maladie.
La République islamique produit des dizaines de milliers de doses de l’antiviral dans une usine inaugurée à la mi-décembre.
Elle a précommandé 16,8 millions de doses de vaccin (marque non précisée) via le programme international Covax, lancé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), selon M. Namaki.
L’objectif de Covax, qui implique 180 pays et les laboratoires travaillant sur un vaccin, est d’aider à assurer un accès équitable aux futurs vaccins anti-Covid-19.
Mais le président Hassan Rohani a récemment indiqué « qu’aucune banque ne voulait traiter les transactions » pour permettre l’acquisition de vaccins, par peur des sanctions américaines imposées contre Téhéran alors que celles-ci excluent théoriquement les médicaments.
Selon l’agence officielle Irna, l’Iran est en discussion avec la Chine, la Russie et l’Inde pour obtenir des vaccins.
Ce pays travaille par ailleurs au développement de son propre vaccin dont les essais cliniques sur des humains doivent commencer bientôt.
Israël
Selon le Dr Asher Salmon, responsable au sein du ministère de la Santé, l’Etat hébreu utilise des corticoïdes et le remdesivir mais pas l’hydroxychloroquine. Les thérapies au plasma sont utilisées dans certains cas mais les résultats sont « incomplets ».
Pays d’environ neuf millions habitants, Israël a commandé 14 millions de doses de vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna (américain), de quoi vacciner sept millions de personnes, deux doses étant nécessaires pour la plupart des vaccins développés actuellement.
Une première livraison a déjà eu lieu et le Premier ministre Benjamin Netanyahu a été le premier à se faire vacciner le 19 décembre, lançant ainsi la campagne nationale de vaccination en Israël.
Jordanie
Pour les cas critiques, la Jordanie utilisent des corticoïdes comme la dexamethasone et l’hydrocortisone, ou l’immunosuppresseur prednisone. Les antiviraux remdesivir et favipiravir ainsi que les thérapies au plasma sont aussi utilisés.
Le royaume a approuvé le vaccin Pzizer-BioNTech, qui devrait être disponible à partir de février dans le pays.
Koweït
Le spécialiste Mohammad Abul affirme que le Koweït utilise la dexamethasone et le remdesivir pour les cas graves. Les thérapies au plasma ont été interrompues faute de résultats probants.
Le vaccin Pfizer-BioNTech a été approuvé en décembre et un site mis en ligne pour que les personnes souhaitant se faire vacciner s’inscrivent. Les premières livraisons devraient arriver d’ici la fin 2020.
Liban
La dexamethasone est privilégiée au Liban en raison de son coût peu élevé, de sa disponibilité sur le marché et des études qui prouvent son « efficacité », explique Firass Abiad, directeur de hôpital gouvernemental Rafic Hariri.
Dans une moindre mesure, le pays utilise les thérapies au plasma puisque des « études montrent son efficacité aux premiers stades de la maladie », selon le Dr Abiad. La chloroquine et le remdesivir sont peu utilisés dans les hôpitaux, affirme-t-il.
Le Liban, pays de plus de six millions d’habitants, a signé un accord de 18 millions de dollars avec Pfizer-BioNTech pour 1,5 million de doses attendues à partir de février, selon le conseiller du ministre de la Santé, Mahmoud Zalzali.
Cet accord implique l’administration gratuite de vaccins aux réfugiés, qui constituent une part importante de la population. Des estimations font état de 700.000 doses dédiées.
Dans le cadre de Covax, le Liban devrait recevoir 2,2 millions de vaccins mais pas avant le troisième trimestre 2021.
Libye
La thérapie au plasma est largement utilisée.
La Libye a acheté 2,7 millions de doses du vaccin du géant britannique AstraZeneca développé avec l’Université d’Oxford pour 10 millions de dollars, un choix « purement technique » puisque celui-ci peut se conserver entre 2 et 8 degrés et est donc adapté aux conditions météorologiques libyennes, selon Badreddine al-Najjar, chef du centre de contrôle national de la maladie.
Ces doses, espérées à partir de mars, permettraient de vacciner 1,25 million de personnes, soit 20% de la population.
Maroc
Le Maroc a adopté dès mars un protocole de traitement à base de chloroquine (antipaludique) et d’azithromycine (antibiotique utilisé notamment contre la pneumonie).
Le ministre de la Santé, Khaled Aït Taleb, a défendu en septembre ce protocole controversé, expliquant qu' »au vu de certains résultats d’études cliniques, la chloroquine avait une certaine efficacité (…) au début de l’infection et non dans les situations graves », selon le site Media24.
Il a défendu des résultats « satisfaisants » mais aucune étude n’a été publiée.
La campagne de vaccination n’a pas encore commencé. Dix millions de doses du vaccins de Sinopharm devraient arriver d’ici la fin de l’année, selon les autorités.
Oman
Utilisée dans certains hôpitaux privés du sultanat, la thérapie au plasma a montré « des résultats positifs », selon un communiqué de l’hôpital Burjeel, Al Khuwair à Mascate. Le vaccin Pfizer-BioNTech a été approuvé pour les plus de 16 ans en décembre.
Qatar
Différents traitements sont utilisés au Qatar, qui fait toutefois peu usage de la thérapie au plasma.
Des contrats ont été passés avec plusieurs laboratoires (dont Moderna), mais le vaccin Pfizer-BioNTech devrait être le premier disponible dans l’émirat, d’ici la fin de l’année.
Soudan
Différents traitements sont utilisés au Soudan, notamment des antibiotiques telles l’azithromycine, l’amoxicilline et la doxycycline, ainsi que des corticoïdes comme la dexamethasone et des anticoagulants.
Quelque 8,4 millions de doses de vaccins seront fournies à des catégories de population spécifiques, principalement les personnes vulnérables et les personnels de santé en première ligne, selon le ministère de la Santé. La livraison débutera au premier trimestre 2021, a-t-il ajouté sans autre détail.
Syrie
Pour réduire la mortalité et le temps d’hospitalisation des cas graves, les médecins injectent de la dexamethasone, selon le bureau de l’OMS en Syrie.
Dans les zones contrôlées par le régime du président Bachar al-Assad, le protocole inclut de la chloroquine (produite dans six laboratoires syriens), de l’azithromycine et de l’interféron (utilisé notamment pour traiter certains cancers), selon le ministère de la Santé.
Dans ce pays ravagé par la guerre, les plans de vaccination restent flous, selon le bureau de l’OMS. Mais l’organisation travaille avec l’Unicef et l’Alliance Gavi pour acquérir « des vaccins pour au moins 3% de la population syrienne dans un premier temps, puis 20% courant 2021 ».
Tunisie
Les traitements utilisés en Tunisie comprennent de l’azithromycine (antibiotique), du paracétamol et des anticoagulants.
Partie prenante de Covax, Tunis a aussi commandé des vaccins Pfizer-BioNTech.
Un million de personnes (sur plus de 11 millions d’habitants) seront vaccinées dans un premier temps, normalement à partir du deuxième trimestre 2021, selon Hechmi Louzir, directeur de l’Institut de Pasteur Tunis.
Yémen
La pandémie de Covid-19 a exacerbé la crise au Yémen, pays en guerre depuis 2014, régulièrement touché par des épidémies et dont les infrastructures de santé sont à genoux.
Quelques dispensaires de campagne ont été installés par des organisations internationales, mais selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha), ils se concentraient en octobre sur le dépistage et la surveillance.
Aucune information n’a été donnée quant à d’éventuelles livraisons de vaccins.