Rendons tout d’abord sa mort à Michel. Elle lui appartient. A 78 ans, on peut choisir de mourir au désert plutôt que dans un lit parisien. Même si, probablement, il eût préféré décéder auprès des petits touaregs de l’école qu’il soutenait à In-Abangharet, c’est bien face à lui-même qu’il a terminé son voyage sur cette terre. Dans la chaleur accablante ou par une nuit étoilée, en mai, juin ou juillet, de crise cardiaque ou de manière plus sanglante, la question n’intéresse, en fait, que ceux qui veulent instrumentaliser sa mort. Ils sont nombreux, calculateurs, fanatiques ou arrivistes, tous pitoyables, de fait, devant le dernier souffle d’un solitaire. Ils sont de ceux que souffle emporte… S’il ne les a pas emportés, il ne tardera pas à le faire. Et ne restera que l’ultime vérité, inconnaissable. Je ne sais si Michel s’est incliné, en bout du compte, devant sa fin. Je lui souhaite de l’avoir fait, enfin pacifié.
Pacifié. Le mot, si simple, a ceci de terrible, pour moi ce soir, qu’il se dit, en arabe, muslim. Deux dizaines de fois par jour, au minimum, c’est au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux que je me prosterne devant le Mystère qui me dépasse, espérant que Celui-ci apaise toutes les tensions qui me traverse, à l’instar de chacun de nous. J’avoue ne pas comprendre comment l’on peut faire cohabiter ce commandement de l’Un avec la haine de l’Autre et j’ai le bonheur de côtoyer, tous les jours, des musulmans et des musulmanes, de tout âge et de toute condition – la multitude – qui partagent, avec moi, cette compréhension instinctive de la religion qui nous unit.
En pensant que Michel, le réputé « infidèle », fut, à son dernier souffle, peut-être de tout cœur avec nous, tandis que ses bourreaux se glorifiaient de leur prétendue soumission à Dieu, pleinement musulmans, pacifiés, se persuadent-ils, je suis, tout à la fois, tristes pour ceux-ci, et plein d’espoir pour celui-là et tous ceux qui, comme lui, n’ont cessé, ne cessent et ne cesseront d’aller vers le meilleur d’eux-mêmes et d’autrui, par monts et par vaux, ruelles et dunes, sans crainte de leur fin, de toute façon inéluctable. Le dernier souffle de Michel… Pensez-y avec tendresse, oubliez tout le reste. Michel est revenu à sa source, en plein désert. Ce n’est pas un drame, c’est un appel.
*Ce texte est un hommage d’un lecteur d’atalsinfo.fr à Michel Germaneau