Sûr de lui, Claude Perdriel affirme, de son côté : "France Télécom se substituera au groupe Lagardère dans la filiale Internet. Arnaud Lagardère a accepté de sortir du Monde. Du reste, il discute avec Stéphane Richard, patron d’Orange. C’est leur affaire, pas la mienne." France Télécom confirme que des discussions ont été engagées entre Arnaud Lagardère et Stéphane Richard sur la valorisation des parts du premier dans Le Monde interactif. Lagardère en exigerait 40 millions d’euros. Orange serait plutôt disposé à ne verser que 30 millions d’euros. Deuxième bug : Lagardère dément toute discussion. "Nous sommes pour le sauvetage du Monde et pour la sauvegarde de nos intérêts, indique le porte-parole d’Arnaud Lagardère. En raison de nos droits, tout acquéreur du Monde doit discuter avec nous, ce qui n’est le cas d’aucun des protagonistes." Mince alors… Qui dit vrai ? Qui ment ?
"Mon indépendance est totale" (Claude Perdriel)
Claude Perdriel avait surtout à coeur de rétablir son honneur de patron de presse indépendant. En effet, la révélation des interventions de Nicolas Sarkozy dans ce dossier sensible l’a mis de fort méchante humeur. Surtout quand il fut suggéré qu’Orange n’avait accepté de rallier sa proposition que sur l’insistance du chef de l’État… "Mon indépendance est totale", a déclaré, avec force, le patron du Nouvel Obs. J’appartiens à la gauche mendésiste, pas à celle avec laquelle a gouverné François Mitterrand. Je n’ai rien contre Nicolas Sarkozy. Mais imaginez que je vais céder à ses pressions, c’est mal me connaître. Je me suis senti d’autant plus insulté quand on me compare à mes deux adversaires."
C’est à partir de là que les coups ont plu ! Perdriel a rappelé que ses concurrents étaient, quant à eux, bien davantage dépendants de l’État. "Mathieu Pigasse est directeur général de la banque Lazard qui est spécialisée dans les fusions-acquisitions de haut niveau. Et vous pensez que le président de la République n’y met pas la main ? Puisqu’il se mêle de tout." Xavier Niel, qui a davantage sa sympathie, dépendrait de l’État en raison des licences que celui-ci délivre dans le domaine des mobiles. "Pas de chance pour Perdriel, nous avons obtenu une licence mobile contre l’avis du chef de l’État", rappelle-t-on du côté de Xavier Niel.
Perdriel critique l’attitude de Fottorino
Enfin, Claude Perdriel s’est étonné de l’attitude d’Éric Fottorino face aux pressions de Nicolas Sarkozy. Selon lui, le directeur du Monde n’avait pas à déférer à la convocation du chef de l’État, le lundi 7 avril, ou alors accompagné de son adjointe (Sylvie Kauffmann) et de son rédacteur en chef politique. Claude Perdriel suggère, à mots couverts, que Fottorino a cherché à décrédibiliser sa candidature en ébruitant cette conversation avec le président de la République pour favoriser l’offre de ses concurrents (Pigasse/Bergé/Niel). Il a mis en doute le fait que le chef de l’État ait exercé un chantage. Du reste, et ce fut le bouquet final de ce déjeuner, il annonce que s’il devait reprendre Le Monde, il occuperait lui-même le poste de président du directoire (poste actuel de Fottorino). Interrogé sur le sort qu’il réserve à l’actuel patron du Monde, Perdriel est resté évasif, tout en indiquant qu’il allait, de ce pas, prendre un déjeuner avec… Sylvie Kauffmann. Une véritable déclaration de guerre anti-Fottorino !
Perdriel est un homme blessé. Il frappe fort ! Et le brouillard s’épaissit sur les destinées du Monde…