Compromis de vente signé, prêt obtenu, ils pensaient que tout roulait. Ils ont déposé plainte pour discrimination, la secrétaire et le propriétaire de l’agence immobilière ont accepté de délivrer une attestation écrite. «Il est rare d’avoir des éléments de preuve. Là, deux personnes dénoncent le fait discriminatoire », insiste l’ avocat des Blamm, Me Geoffroy.
Dalila Blamm a une jolie robe pied-de-poule, des anneaux aux oreilles et un sourire vif. 33 ans, manager commercial dans les telecoms, elle a arrêté de travailler pour s’occuper de ses quatre enfants. Son mari est maçon, il a 34 ans. Un jeune couple, qui rêvait d’une maison avec jardin. Dalila Blamm témoigne :
«On a commencé à chercher notre première maison àl’été 2009. Et on a craqué sur la maison idéale. Trois chambres, des grandes chambres, un jardin très spacieux, parfait pour les enfants, dans un quartier relativement calme. On avait déjà prévu de supprimer un arbre pour l’emplacement des balançoires. J’imaginais la chambre des filles, avec un décor de princesse, bien sûr !
On avait négocié la maison à 125 000 euros, par l’intermédiaire de l’agent immobilier. Il y a eu un compromis de vente. Au niveau de la banque, le dossier était prêt. La maison avait été mise en vente suite au décès de la mère, le père et quatre enfants en étaient les propriétaires. Une des soeurs a signé sans problème le contrat de vente : il ne manquait plus qu’une dernière signature, celle d’une autre soeur, qui avait les procurations du reste de la famille.
J’étais à la maison, l’agent immobilier m’appelle, "j’ai une mauvaise nouvelle, la maison ne sera pas vendue." Au début, je me suis dit que c’était leur maison de famille, qu’ils voulaient la garder. J’ai demandé pourquoi. L’agent m’a dit, "je vais être honnête avec vous, elle ne veut pas vendre à des gens d’origine maghrébine." Je suis tombée de haut. Je suis une Française, née en 1977 dans les Vosges, je suis une vraie Vosgienne, et je me suis dit, c’est encore là, des gens qui ne se gênent pas de dire la différence entre l’un et l’autre. Ce n’est pas comme cela que j’ai été élevée.
Ce qui m’a blessée le plus, c’est qu’elle n’a même pas essayé de parler avec moi, pour savoir qui j’étais. Je lui avais envoyé un courrier, laissé un message sur son répondeur, mais elle a fermé sa porte. On m’a jugée sans me connaître.
Cette histoire je n’en parle pas à mon fils aîné. J’ai peur qu’ensuite il fasse la différence entre lui et les autres Français. Pour moi, tout le monde est pareil. J’ai porté plainte parce que je ne veux pas que cela se reproduise. Se taire, cela veut dire qu’elle peut le faire encore, qu’elle peut faire ce qu’elle veut. Elle pourrait se dire, "c’est bien, ils ne vont rien dire encore, ils vont rester à leur place."
A l’agence immobilière, ils m’ont dit, "si vous voulez une attestation, on vous la fait." Car je me disais, est-ce qu’on va me croire ? On se sent comme si on était enfermé dans un placard.»
Les époux Blamm sont désormais en attente de la décision de renvoi ou non devant un tribunal de leur affaire. Le procureur de la République de Béthune devrait se prononcer bientôt et se refuse pour l’instant à tout commentaire.
Stéphanie Maurice
LIBERATION