Le patron du renseignement américain James Clapper a promis jeudi "des changements réels et visibles" dans les cinq ans qui viennent.
Devant des responsables et experts du renseignement et des forces de l’ordre réunis à Washington, il a admis qu’empêcher de nouvelles fuites comme celles du site internet WikiLeaks en 2010 représentait un "défi" de tous les instants.
Le site internet avait provoqué un séisme il y a un an et demi aux Etats-Unis, en divulguant des dizaines de milliers de documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan et de dépêches diplomatiques.
Le fait qu’un simple soldat, Bradley Manning, la "taupe" présumée de WikiLeaks, ait pu accéder à des informations sensibles interpelle la communauté du renseignement, soupçonnée d’avoir ouvert le robinet après avoir été accusée de retenir des informations qui auraient pu empêcher les attentats du 11-Septembre.
Les attaques de 2001 ont "mis l’accent sur la nécessité de partager", a dit Eric Velez-Villar, directeur-adjoint du FBI, ajoutant: on est passé d’une "culture de la nécessité de savoir à une culture de la nécessité de partager".
"L’objectif est de trouver ce Nirvana entre la responsabilité de partager et la nécessité de protéger" les informations, a renchéri le directeur national du renseignement (DNI), lors d’une conférence organisée par le CSIS, un centre de réflexion.
James Clapper, qui dirige les agences de renseignement américaines et est à ce titre le principal conseiller du président Barack Obama dans ce domaine, a parlé de WikiLeaks comme d’un "événement épouvantable" qui a poussé les autorités américaines à "mettre en oeuvre des changements" dans la surveillance et le contrô le des médias.
"Mais nous devons faire davantage pour protéger les données et nous assurer que nous les partageons avec des personnes effectivement autorisées à les recevoir", a-t-il dit.
Cette "nouvelle architecture" prévoit principalement "d’étiqueter, de taguer, de cataloguer les données" pour connaître leurs destinataires, mais aussi de séparer l’information de sa source pour pouvoir la partager sans exposer l’informateur.
"Au fond, nous cherchons à restaurer la confiance", a résumé Corin Stone, adjointe du DNI, estimant que WikiLeaks avait "foncièrement cassé la confiance" dans le renseignement. Pour cela, "nous devons renforcer la sécurité dans le partage des informations", a-t-elle insisté.
Pour David Shedd, vice-directeur de l’Agence du renseignement de la défense (DIA), le "défi" est de gérer "le tsunami des données". "Les données ne doivent plus jamais être attaquées", a-t-il dit, qualifiant les fuites de très "dommageables" et plaidant pour un "meilleur partage des pratiques" entre les différentes agences du renseignement.
"Cet océan s’étend", a acquiescé Paul Kshemendra, nommé en 2010 par Barack Obama pour diriger le programme fédéral sur le partage du renseignement. "On doit placer un signal dans cet océan de bruit".
"Franchement, nous avons toujours eu la responsabilité de détecter une menace interne (…) mais WikiLeaks a intensifié notre sensibilité dans ce domaine", a encore observé James Clapper, qui prévoit cinq ans pour achever cette réforme.
Dans le même temps, Bradley Manning, ancien analyste du renseignement en Irak, sera probablement traduit au printemps devant une cour martiale, où il encourt l’emprisonnement à vie pour "collusion avec l’ennemi".