Les deuxièmes croyaient naïvement que le mot d’ordre de boycott lancé par quelques organisations et mouvements serait massivement suivi par les Marocains qui témoigneraient d’une défiance accrue, voire d’un rejet du système politique et du fonctionnement de la démocratie. Menant une vive campagne pour le boycott jusqu’à une heure tardive jeudi, ils jubilaient par avance d’un taux de participation inférieur à 30% qui aurait conforté leurs analyses et répondu à leurs vœux délétères.
Or l’électeur marocain est autant rationnel que n’importe quel autre. En participant à ce scrutin, il a refusé de s’engager dans la spirale infernale du « vote sanction » et d’en faire un usage négatif en dépit de mécontentements qu’il pouvait nourrir à l’égard du personnel politique qui était en charge des affaires gouvernementales.
A ceux que ce taux de 45% pourrait paraître faible, il est bon de rappeler que le taux de participation aux dernières élections tunisiennes à l’Assemblée Nationale Constituante était légèrement inférieur à 52% alors que tous les médias internationaux annonçaient un raz de marée des électeurs tunisiens.
Notons que toutes les chancelleries et les porte-paroles officiels des grandes démocraties ont salué le bon déroulement du scrutin et sa transparence que plus de 4000 observateurs nationaux et étrangers ont suivi. L’argument de la fraude ne peut donc être avancé par quiconque pour justifier le score qu’il a obtenu.
Il est au moins deux leçons que l’on pourrait tirer de ces premiers résultats aux élections législatives marocaines.
En premier lieu, il est normal que le taux de participation à cette élection soit plus bas que celui enregistré lors du référendum à la nouvelle constitution qui était, rappelons-le, de plus de 73%. On comprend que les enjeux ne soient pas de même nature. Il serait dès lors abusif d’interpréter l’écart comme un échec politique.
En deuxième lieu, sans attendre les résultats complets de l’élection, on doit s’attendre à ce que le PJD ne dispose pas d’un nombre de sièges suffisant qui le placerait en tête des autres grands partis. Le taux de participation au scrutin du 25 novembre dépassant celui de 2007, le PJD en pâtira si l’on garde présent à l’esprit les estimations généreuses que ce parti avançait avant le scrutin puisqu’il tablait sur une fourchette entre 70 et 80 sièges dans la future première chambre. On connait en effet l’existence d’une corrélation négative entre ce taux de participation et le nombre de sièges dont le PJD pourrait disposer. A supposer qu’il ait été en mesure de mobiliser son électorat comme il l’avait fait en 2007, si les candidats des autres partis ont également réussi à en faire de même, la répartition des sièges sera mécaniquement en défaveur du PJD. Il en sera vraisemblablement ainsi dans la mesure où les grands partis ont présenté des notables qui connaissent leurs électeurs et sont bien ancrés dans leur circonscription.