"Nous allons porter plainte dans les jours prochains pour des propos diffamatoires et pour une volonté d’influencer la justice", a indiqué à l’AFP Veysel Ak, avocat du journal libéral.
Mehmet Baransu, un journaliste connu du quotidien libéral, a publié à la fin novembre un document confidentiel compromettant daté de 2004. Dans cette lettre, signée notamment par M. Erdogan et par le président Abdullah Gül, alors ministre des Affaires étrangères, le Conseil national de sécurité (MGK) demandait explicitement au gouvernement de prendre des mesures pour "en finir" avec le mouvement de l’imam et penseur Fethullah Gülen, à la tête d’une grande organisation.
Depuis les Etats-Unis où il est exilé depuis 1999, Gülen a dénoncé ces plans alors que des dirigeants du Parti de la Justice et du développement (AKP), au pouvoir, ont démenti toute volonté de nuire à la confrérie.
Les divisions entre les tenants du pouvoir en Turquie et la confrérie Gülen, qui les avaient aidé à se propulser aux rennes du pays en 2002, sont publiques depuis plusieurs semaines en raison d’une décision du gouvernement turc de fermer les écoles préparatoires dont une partie considérable appartiennent à la confrérie et constituent l’une de ses principales sources de revenu.
Avec l’élection présidentielle de 2014 en toile de fond, la confrérie n’a pas caché son désaccord avec l’"autoritarisme" de M. Erdogan.
De l’avis des observateurs, M. Erdogan serait irrité de l’ascension dans l’appareil d’Etat de la confrérie, déjà très influente dans la police et l’administration judiciaire.
Lors du weekend, M. Erdogan a exhorté la justice à sévir contre Taraf: "Révéler des secrets d’Etat ne peut être considéré comme une liberté d’expression, c’est tout simplement de la trahison".
Des procureurs ont immédiatement lancé une enquête contre M. Baransu.
Cet éditorialiste était devenu la bête noire de l’armée turque lorsqu’il avait publié en 2008 des révélations embarrassantes sur des conspirations visant à renverser le régime de M. Erdogan. De nombreux généraux ont par la suite été condamnés sur la base de ces révélations.
M. Erdogan, visé par une vague de contestation en juin pour sa dérive autoritaire et islamiste, est accusé de tenter de faire plier la presse.