Intervenant lors d’un séminaire international de recherche organisé par la Mission permanente du Maroc auprès de l’ONU sous le thème « Garantir le succès des expériences d’autonomie territoriale: Dévolution des compétences législatives », M. Vallbé a relevé que le pouvoir législatif de la région appartient au parlement régional, qui exerce la fonction législative en toute autonomie, sans ingérence du gouvernement central.
En comparant l’initiative marocaine à l’expérience d’autonomie dans les îles des Canaries qui date de 1982, l’expert espagnol a mis en avant les garanties offertes dans l’article 19 de l’initiative marocaine notamment en termes de participation active des populations locales et de représentation adéquate des femmes.
Relevant que la première étape d’un processus crédible de décentralisation doit inclure une liste bien définie des compétences attribuées aux régions et à l’Etat central, M. Vallbé, qui a passé en revue les réformes majeures qu’ont connues les Îles des Canaries en 1996 et 2018, a fait observer que dans le cas de l’Espagne, l’article 148.1 de la constitution attribue une première panoplie de compétences aux régions alors que l’article 149 définit un autre ensemble consacré exclusivement à l’Etat central, bien qu’aucune des deux listes ne soit exhaustive et que d’autres compétences pourraient donc être prises par les deux niveaux de gouvernement à l’avenir.
Après avoir signalé que l’initiative marocaine précise dans son article 12 les domaines politiques sur lesquels les institutions de la région du Sahara exerceraient des pouvoirs, l’intervenant a jugé important de noter que les pouvoirs définis par ce même article couvrent un large éventail de questions, allant de l’organisation de l’administration locale à l’intérieur des limites de la région à des aspects clés du pouvoir politique tels que la capacité d’établir son propre budget et fiscalité et poursuivant sa propre politique dans des domaines comme les infrastructures, l’énergie, les transports, la santé, l’éducation, l’industrie ou la protection de l’environnement.
Il a indiqué que l’article 12 stipule que la région autonome du Sahara exerce des pouvoirs sur une liste de compétences, mais ne spécifie pas dans quelle mesure ces pouvoirs seront exclusifs à la région autonome ou partagés d’une manière ou d’une autre avec l’État central ‒ par exemple, par le biais de l’approbation de législation-cadre, suggérant que cela sera affiné et précisé lors de la négociation dans le processus politique des tables rondes.
Evoquant l’aspect lié à l’élection des membres du parlement, l’expert a relevé que dans le cas des Îles Canaries, des éléments tels que les seuils électoraux et le nombre et la taille des circonscriptions déterminent toute la proportionnalité du système électoral. « Ceci, à son tour, est essentiel pour produire un type de représentation où tous les secteurs de la société peuvent se sentir aussi justes et pleinement démocratiques », a-t-il dit.
M. Vallbé a, dans ce cadre, indiqué que l’article 19 de l’Initiative stipule que les membres du Parlement au Sahara seront élus au suffrage universel, estimant que des détails supplémentaires sur le système électoral pourraient aider à garantir qu’une représentation équitable découle de telles élections.
S’agissant de l’organisation interne du parlement et sa relation avec l’autorité exécutive de la région, l’expert a fait remarquer que l’article 20 de l’initiative marocaine évoque un modèle parlementaire dans lequel le chef du gouvernement (le Premier ministre régional) sera élu par le Parlement régional, soulignant qu’il s’agit-là d’un modèle similaire à celui des régions espagnoles.
Il a toutefois jugé important de détailler d’autres fonctions du Parlement de la région du Sahara, telles que la partie qui détient l’initiative législative et dans quelle mesure l’exécutif et le législatif disposent d’un droit de veto pendant le processus législatif.
Concernant l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif régional et les pouvoirs législatifs, il a relevé que le modèle des Îles des Canaries tend à donner à l’exécutif un contrôle plus élevé, car une fois le Premier ministre élu, c’est l’exécutif qui détient finalement la plupart des initiatives législatives, bien que des mécanismes de contrôle législatif tels que les votes de confiance ou la censure puissent donner au législatif la capacité de vérifier le pouvoir de l’exécutif. Il a estimé que la forme de ces contrôles inter-puissances doit encore être clarifiée dans l’Initiative marocaine lors de sa négociation par les parties.
Pour ce qui est du contrôle constitutionnel de la législation, l’intervenant a noté que l’article 24 de l’initiative marocaine pour la région du Sahara affirme que « les lois, règlements et décisions de justice émis par les organes de la région autonome du Sahara doivent être conformes au statut d’autonomie de la région et à la Constitution du Royaume”.
Il a jugé nécessaire de fournir plus de détails sur le mécanisme particulier par lequel les décisions seront prises sur la conformité de la législation régionale avec la Constitution du Royaume.
Le professeur de sciences politiques à l’Université de Barcelone a, par ailleurs, indiqué que dans le cas de l’Espagne, le choix a été porté sur l’arbitre fédéral sous la forme d’une Cour constitutionnelle dotée du pouvoir exclusif d’annuler les actes législatifs qui violent la Constitution, qui comprend également les statuts d’autonomie de toutes les régions.
De la même manière, si le statut d’autonomie de la région autonome du Sahara est considéré comme faisant partie intégrante du corpus constitutionnel du Royaume du Maroc, le contrôle de constitutionnalité devrait inclure un mécanisme à travers lequel les institutions de la région autonome pourront défendre son intégrité lorsque la législation nationale l’érode, a-t-il expliqué.
Et de conclure que l’objectif de l’Initiative marocaine n’est pas de traiter chaque détail de l’organisation du processus de décentralisation, mais elle fournit des points très pertinents vers un niveau avancé de décentralisation pour la région autonome du Sahara, “qui sera finalement façonné par la négociation de l’accord final entre les parties”.
Présidé par M. Marc Finaud, conseiller principal au “Centre de Politique de Sécurité de Genève”, ce séminaire international de recherche a été animé par d’éminents experts, chercheurs et universitaires, venant de la Suisse, la France, l’Espagne, les Etats-Unis et l’Île Maurice. Il a connu la participation d’une cinquantaine de diplomates, dont plusieurs ambassadeurs à New York, de hauts responsables onusiens et des médias accrédités auprès des Nations Unies.
Cette rencontre a offert l’opportunité de comparer l’Initiative d’autonomie proposée par le Royaume du Maroc pour la région du Sahara avec d’autres expériences d’autonomie dans le monde, notamment en termes de dévolution des pouvoirs législatifs dans les régions autonomes. Les experts internationaux ont eu l’occasion de partager les expériences des Îles Canaries, de la Nouvelle Calédonie, de Porto Rico et de l’Île de Rodrigues.