Royaume-Uni – Législatives : une claque pour les travaillistes… et les sondeurs
Le résultat des élections constitue un revers pour le Labour, mais aussi pour les instituts de sondage qui se sont tous lourdement trompés.
Depuis des mois, les instituts pronostiquaient un résultat ultra-serré sans vrai vainqueur, alignant les courbes désespérément plates, avec les tories et le Labour pétrifiés dans un coude-à-coude stérile. La veille du scrutin encore, YouGov, ICM et Survation décrétaient le match nul. Trois autres sondages publiés par TNS, Opinium et Comres donnaient aux conservateurs un point d’avance, alors que Panelbase donnait deux points d’avance au Labour. Tous les journaux titraient sur le scrutin le plus indécis depuis quatre décennies.
Le choc à la sortie des urnes
Lorsque les premiers sondages de sortie des urnes sont tombés jeudi à 22 heures (21 heures GMT), le choc fut total. 77 sièges d’avance pour les conservateurs : personne ne voulait vraiment y croire, tant chez les vaincus, accrochés aux espoirs de la veille, que chez les vainqueurs, appelant à la prudence. "Si ces estimations sont exactes, je suis prêt à manger mon chapeau en public", a souligné Paddy Ashdown, l’ancien patron des Lib Dems, complètement sonné.
Mais, au fil de la soirée, les prédictions se sont confirmées, renforcées même : les conservateurs ont gagné largement, et les sondeurs ont perdu platement. "Je suis perplexe", a réagi Peter Kellner, le président de YouGov qui, pour le tabloïd The Sun, avait encore sondé 6 000 personnes jeudi après qu’elles aient voté pour trouver, là encore, les tories et le Labour à égalité, 34 % partout. "Une nuit vraiment pas formidable pour les sondeurs et prévisionnistes. Autopsie demandée", a tweeté Lord Michael Aschcroft, un millionnaire spécialisé dans les sondages locaux.
Un camouflet pour les sondeurs
Pour les instituts, c’est le plus gros camouflet depuis l’incroyable fiasco de 1992 lorsqu’ils avaient donné le travailliste Neil Kinnock vainqueur, alors que c’est le conservateur John Major qui l’avait emporté. Ils avaient redoré leur blason en 2010 en faisant preuve d’une précision remarquable pour prédire un gouvernement de coalition conservateurs/libéraux-démocrates. Les voilà de retour à la case départ, livrés aux moqueries et aux critiques du pays.
L’institut Populus a d’ores et déjà fait amende honorable : "Le résultat des élections nécessite une remise en question de tous les instituts de sondage. Nous allons revoir nos méthodes et demander au Conseil britannique des sondages de conduire un audit", a indiqué un responsable dans un communiqué. "Réveil tardif de l’électorat conservateur ? Problème de méthodologie ? Il faudra un peu de temps pour analyser" la faillite des sondeurs, soulignait Tony Travers, politologue à la London School of Economics.
Un sursaut de l’électorat conservateur ?
Une thèse possible est un sursaut de dernière minute de l’électorat conservateur, traditionnellement plus timide à livrer ses préférences en amont. Dans le passé, les sondeurs ont souvent eu tendance à surestimer les travaillistes. Les sondeurs semblent surtout avoir échoué à traduire les pourcentages d’intentions de vote dans le bon nombre de sièges, sachant que les législatives sont d’abord la somme des résultats de batailles individuelles dans 650 circonscriptions.
"La répartition des sièges n’est sans doute pas notre moment de gloire, mais on a fait du bon travail ailleurs", a estimé Michelle Harrison de l’institut TNS, évoquant un bilan "mitigé" pour les sondeurs. "Nous avons prédit les grandes tendances de la soirée : les nationalistes écossais qui ont dévoré le Labour tout cru en Écosse, l’impact de cinq années de coalition sur les Lib Dems", a-t-elle ajouté à Skynews. Mais cela apparaissait vendredi comme une mince consolation face au sentiment d’un fiasco général.
