Si le chef de l’Etat a renouvelé sa confiance à Eric Woerth, son ministre du Travail actuellement dans la tourmente, Rama Yade, Christian Blanc Fadela Amara et Alain Joyandet sont sur la sellette.
Christian Blanc, partant certain
Outre le fait qu’il est contesté en tant que secrétaire d’Etat du Grand Paris, Christian Blanc a ouvert récemment la série des «Je me fait épingler par le Canard Enchaîné» avec l’affaire de ses cigares. En dix mois, il s’est fait livrer pour 12.000 euros de Havanes, payés sur les deniers publics! Et au lieu de faire simplement amende honorable, il s’en est pris à son ancien directeur de cabinet, qu’il accuse de l’avoir balancé à l’hebdomadaire satirique. Une chasse au traître, comme chez les Bleus… L’ancien patron d’Air France s’est finalement fait passer un savon par François Fillon, et devra rembourser de sa poche ses barreaux de chaises. Cette histoire de cigares, c’est une «maxi connerie», a commenté jeudi matin Alain Minc, l’essayiste-conseiller de Nicolas Sarkozy. De toute manière, sa mission autour du Grand Paris doit prendre fin à l’automne.
Rama Yade, le sursis permanent
Tel un phénix… A chaque remaniement, les observateurs de la vie politique prévoient son départ. La faute à ses provocations constantes depuis trois ans, s’éloignant de la ligne officielle du gouvernement. Une machine à «couacs». Et pourtant, la secrétaire d’Etat aux Sports est toujours là! Sa popularité auprès des Français est une bouée de sauvetage pour l’ancienne administratrice au Sénat. Sauf que dernièrement, elle n’a pas présenté son visage de rebelle qui a le courage de ses opinions. Elle est tombée dans la polémique politicienne, dénonçant le «clinquant» de l’hôtel des Bleus en Afrique du Sud… pour se faire épingler quelques jours après par Le Canard Enchaîné sur le prix de sa propre chambre d’hôtel. A 667 euros la nuit, plus chère que celle des Bleus. Mieux, cette semaine, l’hebdomadaire satirique donne un «carton rouge» à Rama Yade. Elle a demandé à sa ministre de tutelle Roselyne Bachelot, une rallonge budgétaire de 150.000 euros pour ses voyages. Les quelque 270.000 euros qui lui étaient alloués pour l’année 2010 en entier ont déjà été dépensés en six mois… De quoi appeler à un peu de «décence», comme elle le réclamait aux Bleus.
Alain Joyandet, voyages voyages
Le secrétaire d’Etat à la Coopération est un spécialiste du trajet en avion. Et forcément, parfois, il dérape. Début 2010, Mediapart révèle que le secrétaire d’Etat a loué un jet privé pour 116.500 euros pour faire le trajet d’Haïti, alors ravagé par un séisme, pour la Martinique, afin d’assister à une conférence. Et, fin mai, l’hebdomadaire satirique a publié un article affirmant qu’il avait enfreint les règles d’urbanisme et obtenu un permis de construire illégal pour agrandir sa maison, près de Saint-Tropez. Bref, après toutes ces «boulettes», il y a de fortes chances que l’élu de Franche-Comté paie l’addition.
Fadela Amara, mise au ban
Elle aussi a péché par le logement. D’après Le Canard Enchaîné, elle hébergerait des membres de sa famille dans son logement de fonction de secrétaire d’Etat à la ville. Elle-même continuerait à habiter dans son appartement du 13e arrondissement. Mais surtout, l’ancienne présidente de Ni Putes ni soumises n’a pas vraiment réussi à s’imposer au sein du gouvernement et n’a donc pas imposé sa politique. Son plan banlieue est invisible, sa liberté de parole gêne jusqu’à ses camarades du gouvernement, qui ne lui font aucun cadeaux… Pour charger la mule, son conseiller spécial, dont elle s’est séparée depuis, s’est fait condamner en 2008 à 18 mois de prison dont 12 avec sursis pour escroquerie. Après Rachida Dati, ce serait un autre symbole de la diversité si chère à Nicolas Sarkozy qui prendrait la porte du gouvernement.
Ceux qui sont en balance
Dans la boule de cristal de Rue89, ce sont les plus nombreux. Nicolas Sarkozy l’a affirmé devant les députés UMP, le remaniement d’automne sera large et profond. Objectif : préparer les législatives et la présidentielle de 2012, dans les meilleures conditions.
D’après les confidences de certains participants, personne n’est vraiment à l’abri du coup de balai. A commencer par les proches qui n’ont pas démontré leur brio :
•Brice Hortefeux, l’ami de 30 ans, dont les états de service au ministère de l’Intérieur sont mitigés ;
•Eric Besson qui, au ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, a provoqué un glissement de terrain idéologique avec le fiasco des débats sur l’identité nationale ;
•Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères fatigué de se voir constamment doublé par les hommes de l’Elysée ;
•Jean-Louis Borloo, dont les mesures du Grenelle de l’environnement ont été balayées par la "realpolitik » du gouvernement.
Mais ces deux derniers départs, s’ils se confirmaient, auraient aussi l’inconvénient de sonner la fin de l’ouverture… à moins que cela ne soit l’effet recherché. En période de crise, rien de tel que de rassembler son camp en resserant le gouvernement à droite.
Sans oublier tous ceux dont vous ne connaissez ni le nom, ni l’action, et qui devraient être sacrifiés sur l’autel de l’efficacité gouvernementale, comme l’a réclamé la Cour des comptes.
Ceux qui resteront
A priori, les piliers sarkozystes ne sont pas menacés, notamment ceux qui œuvrent dans les ministères régaliens :
•La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, s’est imposée à travers la gestion de la crise économique, devenant un gage de sérieux de l’équipe gouvernementale ;
•le ministre de la Défense, Hervé Morin, sera plus utile dedans que dehors où il pourrait afficher des ambitions présidentielles au nom du Nouveau centre ;
•Luc Chatel, à l’Education nationale, a réussi à maîtriser les débats épineux qui agitent les profs ;
•Michèle Alliot-Marie, au ministère de la Justice, doit terminer la réforme de la procédure pénale, tout en ralliant les milieux judiciaires particulièrement malmenés en début de quinquennat.
Ceux qui piaffent pour en faire partie
C’est sans doute la liste la plus longue, sachant que le nouveau gouvernement compterait un nombre restreint de portefeuilles.
Dans les premières loges, on retrouve tous ceux qui, à droite, ont été sevrés de maroquins ces trois dernières années :
•Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l’Assemblée, qui se prépare assidument pour la présidentielle 2017 ;
•son rival direct, Xavier Bertrand, cantonné au parti présidentiel en étant confronté à la désaffection des militants de base de l’UMP ;
•le sénateur Gérard Longuet, blanchi par la justice dans les affaires du Parti républicain (PR), et qui devait déjà faire parti du dernier remaniement ;
•Philippe Douste-Blazy, dont l’éclipse onusienne dure un peu trop longtemps à son goût ;
•le député UMP Hervé Mariton qui, tout en jouant la critique interne, a refusé d’adhérer formellement au nouveau mouvement de Dominique de Villepin.
L’exercice est délicat, car Nicolas Sarkozy doit à la fois donner des gages à son propre camp, tout en ménageant ses alliés, pour mieux museler ses rivaux. Ainsi, Alain Juppé pourrait aussi faire partie de la liste des poids lourds de droite qui intégreraient ce nouveau gouvernement.