Présidentielle: les Tchèques choisissent entre un pro-russe et un pro-européen
Les électeurs tchèques ont voté dans le calme vendredi pour la première journée du second tour d’une présidentielle qui s’annonce serrée, opposant le chef de l’Etat sortant, le prorusse Milos Zeman, au pro-européen Jiri Drahos.
L’élection a révélé les fractures de la société tchèque, notamment autour de la question de l’immigration et de l’orientation de la politique étrangère du pays.
Pour Daniel Hajek, un ouvrier, le vétéran de la gauche Milos Zeman connu aussi pour ses opinions pro-chinoises et anti-musulmanes "ouvre la porte à la coopération économique avec des pays tels que la Russie ou la Chine, c’est important pour nous, pour l’emploi".
En revanche, pour le technicien Lubos Horcic, M. Drahos, ex-patron centriste de l’Académie des sciences, "va oeuvrer en vue de réconcilier la société et non de la diviser comme le fait le +camarade+ Zeman. Jiri Drahos s’oriente vers l’Europe et l’Occident et non vers l’Est comme le +camarade+ Zeman".
Les deux candidats ont glissé leur bulletin de vote dans l’urne peu après l’ouverture des bureaux, en début d’après-midi.
"J’attends qu’une femme à moitié nue se rue encore sur moi, mais il paraît que ce ne sera pas le cas aujourd’hui", a plaisanté M. Zeman, en allusion à l’action d’une militante ukrainienne du groupe radical Femen, qui s’en est prise à lui torse nu lors du premier tour, criant "Zeman – Putin’s slut" (Zeman, putain de Poutine).
La sécurité était plus stricte qu’il y a deux semaines lors du vote de M. Zeman dans une école de Prague. Une partie des journalistes n’ont même pas été autorisés à entrer dans la salle.
Une autre militante de Femen a manifesté vendredi matin contre le président Zeman devant l’ambassade tchèque à Kiev, avec l’inscription "Zeman monstre boiteux" sur sa poitrine nue.
De son côté, M. Drahos qui bénéficie surtout du soutien des habitants des grandes villes du pays, a dit "apprécier beaucoup cette énergie qui est née, qui a été provoquée par cette élection présidentielle. Je peux dire aux électeurs que cette énergie ne sera pas détournée quel que soit le résultat de l’élection".
Les relations de la République tchèque, membre de l’Otan depuis 1999 et de l’UE depuis 2004, avec la Russie ont largement occupé jeudi soir l’ultime duel télévisé des candidats, suivi par un Tchèque sur quatre.
"La Russie ne représente pas un risque sécuritaire pour la République tchèque", a insisté le président sortant. "Bien sûr que si", a rétorqué M. Drahos, ajoutant que la "doctrine militaire russe qualifie l’Otan de son principal ennemi et nous sommes membres de l’Otan".
Dans un pays majoritairement opposé à l’accueil des migrants, M. Zeman – souvent taxé de populiste – n’a manqué aucune occasion durant la campagne pour attaquer son rival sur ce thème.
Dans tout le pays, les affiches de campagne du président sortant reprennent ce thème, en proclamant "Halte aux immigrants et à Drahos. Ce pays est à nous! Votez Zeman!".
"La campagne en faveur de Zeman m’a terrifiée. Je suis pour la décence et l’objectivité", a confié à l’AFP Rozalie Wünschova, étudiante de 18 ans, après avoir voté pour M. Drahos.
Interrompu pour la nuit, le vote étalé sur deux jours doit reprendre samedi entre 07H00 et 13H00 GMT. Le résultat sera connu samedi dans l’après-midi, avant 16H00 GMT, selon le ministère de l’Intérieur.
S’il ne dispose pas de prérogatives aussi étendues qu’aux Etats-Unis ou en France, le président tchèque désigne le Premier ministre en fonction du résultat des élections législatives et nomme ensuite le gouvernement.
Il entérine les lois adoptées par le Parlement et nomme aussi les membres du conseil de la banque centrale CNB, les juges et les professeurs d’université. (afp)