Paris nationalise provisoirement les chantiers navals STX France, colère de Rome

Le gouvernement français a décidé jeudi de nationaliser provisoirement les chantiers navals STX France, après l’échec des discussions avec le groupe italien Fincantieri, une décision rarissime qui a suscité la colère de Rome.

Cette prise de contrôle, la première d’un groupe industriel en France depuis la vague de nationalisations du pouvoir socialiste en 1981, a pour objectif de "défendre les intérêts stratégiques de la France", a assuré le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

C’est "grave et incompréhensible", a rétorqué Rome par la voix des ministres des Finances Pier Carlo Padoan et du Développement économique Carlo Calenda.

"Nous voulons avoir toutes les garanties, je dis bien toutes, que ces savoir-faire ne partiront pas un jour dans une autre grande puissance économique mondiale non européenne, pour être très précis", a ajouté M. Le Maire.

Selon M. Le Maire, cette opération de préemption est "temporaire". "Les chantiers navals de Saint-Nazaire n’ont pas vocation à rester sous le contrôle de l’État", a-t-il assuré.

Coup de fil Macron-Gentiloni

Devant la levée de boucliers de l’autre côté des Alpes, où le "nationalisme" et le "protectionnisme" de la France sont fustigés dans la presse, le président français a appelé jeudi le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni pour tenter de "dissiper toute mauvaise interprétation" de cette décision.

Il a assuré que le nouvel accord devait faire "une large place à Fincantieri".

Le président voulait vérifier que les commentaires sur la France voulant "empêcher un investissement italien" n’étaient "pas la perception qui s’installait dans le gouvernement italien", a fait valoir l’Élysée, assurant que "M. Gentiloni était très apaisé".

M. Le Maire, qui se rendra à Rome mardi, a dit avoir "bon espoir" de trouver "dans les semaines qui viennent les modalités" d’un "accord industriel européen avec l’Italie dans le domaine de la construction navale".

MM. Padoan et Calenda se sont dits prêts à le recevoir, mais "en partant de cette base incontournable" qu’est le contrôle de STX France par Fincantieri.

Le ministre de l’Économie avait lancé dès mercredi un ultimatum aux autorités italiennes, les enjoignant d’accepter "un contrôle à parts égales" de STX France. "Si jamais nos amis italiens refusent la proposition honnête qui leur est faite, l’État exercera son droit de préemption", avait-il prévenu.

Selon l’accord initial, passé sous le gouvernement Hollande, le constructeur italien devait reprendre d’abord 48% du capital des chantiers et rester minoritaire pendant au moins huit ans, épaulé par l’investisseur italien Fondazione CR Trieste à hauteur d’environ 7%. Les actionnaires français, dans cet équilibre, ne disposaient que de 45% du groupe.

Mais le président Macron avait demandé, le 31 mai, que cet accord "soit revu" pour préserver les intérêts hexagonaux. Sa proposition, transmise à Rome par Bruno Le Maire, laissait à Fincantieri 50% du capital, les autres 50% revenant à l’État français (via Bpifrance), Naval Group (ex-DCNS) et aux salariés du groupe.

La France, qui dispose aujourd’hui d’un peu plus de 33% de STX France, avait jusqu’à vendredi minuit pour exercer son droit de préemption sur les 66% restants, détenus par le sud-coréen STX Offshore and Shipbuilding. C’est en effet samedi que la justice coréenne doit entériner la revente des parts de ce groupe en difficulté.

D’après Bruno Le Maire, la nationalisation de STX France "coûtera environ 80 millions d’euros à l’État" mais celui-ci pourra "récupérer cette mise" dès que le gouvernement aura "trouvé une solution industrielle" pour le groupe naval.

Dans un communiqué, la direction de STX France a estimé que "ce nouveau délai (était) fâcheux car il prolonge une longue période d’incertitude (…) nuisible" à l’entreprise.

La presse italienne se montrait de son côté féroce avec Paris. "Le nouveau locataire de l’Elysée donne une piètre image de lui", écrit La Stampa, qui dit ne pas "comprendre pourquoi les Français considèrent acceptable qu’une société coréenne détienne 66% d’une société française" mais refusent "à une italienne d’en détenir 51%".

afp

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