Cette séquence aux intonations sarcastiques involontaires illustrent les enjeux que vit la classe politique algérienne à la veille d’élections présidentielles où le président Abdelaziz Bouteflika, âgé et lourdement handicapé par la maladie, est censé se présenter pour un cinquième mandat. Même si les principales organisations politiques, partis politiques, chambres des représentants, structures syndicales, ont officiellement appelé le président Bouteflika à « continuer son oeuvre » et à se présenter aux prochaines présidentielles prévues en avril, l’enjeux actuelle pour l’équipe dirigeante est d’essayer de convaincre les suspicieux des capacités physiques du président à assurer ses fonctions pour le mandat à venir.
Sur le papier, il s’agit d’une mission impossible tant le quatrième mandat a déjà été vécu par le président, comme par les Algériens, comme un dur et interminable calvaire au point de l’empêcher de prendre la parole en public et de se livrer aux activités les plus basiques liées à la fonction présidentielle. Une des voix hésitante face à ce cinquième mandat avait lancé ce défi à la nomenclature algérienne « Je suis prêt à soutenir le cinquième mandat et m’investir pour sa réussite à condition que le président Bouteflika nous le demande publiquement et à haute voix ». Ce pari n’est pas sans arrières pensées politique et vise à souligner l’incapacité du président à formuler une professions de foi sinon convaincante du moins audible pour tous.
C’est sans doute dans ce contexte de grands clivages entre ceux qui veulent la continuité à tout prix au risque de chevaucher les sommets du ridicule et ceux qui veulent un nouveau souffle et un nouveau casting présidentiel qu’il faut placer la série de limogeages qui ont frappé récemment l’appareil sécuritaire et la direction de l’armée. Ces mises à l’écart ont pris une résonance inédite au vu des profils concernés. Comme une série en cascade, Le général-major Ahcène Tafer, chef des Forces terrestres de l’armée algérienne a été « mis à la retraite » au lendemain du limogeage du général Abdelkader Lounes, chef des Forces aériennes. Ces limogeages sont dans la même logique de la décision attribuée au président Abdelaziz Bouteflika, âgé de 81 ans et qui occupe aussi le poste de ministre de la Défense. Bouteflika avait en juillet dernier relevé de leur commandement plusieurs généraux, dont les chefs de trois des six régions militaires du pays et le commandant de la Gendarmerie nationale (CGN). Il avait en outre démis de ses fonctions fin juin le directeur général de la Sûreté nationale (DGSN, police algérienne), le puissant général Abdelghani Hamel, ancien militaire.
Certaines mises à l’écart ont pris comme prétexte le déclenchement du scandale du trafic de cocaïne dans lequel de larges responsabilités étatiques ont été impliquées donnant cette terrible impression que Abdelaziz Bouteflika était à la tête d’un narco-Etat d’une grande dangerosité pour ses voisins européens et Méditerranéens. Mais les motivations d’un tel mouvement ont certainement un rapport avec les préparatifs politiques et sécuritaires pour accueillir et organiser ce fameux cinquième mandat.
Au sein de cette institution militaire algérienne, jadis connue pour sa légendaires et exclusive capacité à fabriquer les présidents de la république algérienne, des oppositions sourdes, des mauvaises humeurs ont pu s’exprimer. Ce qui avait le don de casser cet unanimisme indispensable pour faire avaler l’énorme couleuvre du cinquième mandat et menaçait de donner naissance à des ruptures violentes susceptible d’encourager de sombres tendances putschistes enfouies dans l’ADN de cette armée et qui ne demandent qu’à renaître.