Fruit d’intenses efforts diplomatiques entre l’Iran et le Groupe des Six (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), l’accord vise à limiter drastiquement le programme nucléaire de Téhéran en échange d’une levée des sanctions économiques internationales.
Mais Washington s’est retiré unilatéralement du pacte en mai 2018 et a rétabli de lourdes sanctions contre Téhéran, qui presse depuis des mois les autres partenaires de l’aider à en atténuer les effets dévastateurs pour son économie.
Jusqu’ici, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a certifié que l’Iran agissait en conformité avec les engagements qu’il avait pris à Vienne.
"Le compte à rebours pour passer au-dessus des 300 kilogrammes pour les réserves d’uranium enrichi a commencé et dans dix jours, c’est-à-dire le 27 juin, nous dépasserons cette limite", a déclaré Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique.
Cette annonce survient dans un contexte de très fortes tensions entre l’Iran et les Etats-Unis. Ceux-ci ont renforcé leur présence militaire au Moyen-Orient face à une "menace iranienne" présumée, et accusent Téhéran des récentes attaques contre des pétroliers dans le Golfe. Téhéran dément.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui voit dans l’Iran une menace existentielle pour son pays, a appelé la communauté internationale a imposer "immédiatement" des sanctions contre Téhéran le jour où son stock d’uranium enrichi passerait au-dessus de la limite.
Le Président Français Emmanuel Macron a lui appelé Téhéran à être "patient et responsable", et veut éviter une "escalade", alors que Paris oeuvre laborieusement pour maintenir vivant l’accord de Vienne.
Tensions irano-américaines
Un an après le retrait des Etats-Unis, l’Iran a annoncé le 8 mai qu’il ne se sentait plus tenu par les limites imposées par ce texte à ses réserves d’uranium enrichi (UF6) et d’eau lourde (respectivement 300 kg et 130 tonnes).
Le même jour, l’Iran avait adressé un ultimatum de 60 jours aux Etats encore parties à l’accord pour qu’ils l’aident à contourner les sanctions américaines.
"J’entends avoir de nouveaux echanges en marge du G20 (à Osaka les 28 et 29 juin, ndlr) (…) afin de préparer une rencontre utile (…) avant le 8 juillet", date de l’expiration de l’ultimatum, a déclaré M. Macron lundi.
Faute d’obtenir satisfaction, l’Iran a menacé de s’affranchir de deux autres de ses engagements.
En l’occurrence, le président Hassan Rohani a indiqué que l’Iran cesserait alors d’observer les restrictions consenties "sur le degré d’enrichissement de l’uranium" et qu’il reprendrait son projet de construction d’un réacteur à eau lourde à Arak (centre), où M. Kamalvandi a tenu sa conférence de presse.
Le réacteur d’Arak a été mis en sommeil conformément à l’accord de Vienne, qui impose également à Téhéran de ne pas enrichir l’uranium à un taux supérieur à 3,67 %, un niveau faible, très en-deçà des quelque 90 % nécessaires pour envisager la fabrication d’une arme atomique.
"Un jour ou deux"
M. Kamalvandi a indiqué qu’"aucune décision" n’avait encore été prise sur ce que les Iraniens appellent "la deuxième phase" de leur "plan de réduction" des engagements pris en matière nucléaire.
En ce qui concerne l’enrichissement d’uranium, a néanmoins déclaré M. Kamalvandi, les "scénarios" envisagés "vont d’un passage à 3,68 % jusqu’à n’importe quel autre pourcentage en fonction des besoins du pays."
Quant au réacteur d’Arak, les autorités débattent encore de savoir s’il conviendrait, le cas échéant, de le "reconcevoir ou de le faire revivre", a-t-il dit, avertissant qu’il ne faudrait "pas plus d’un jour ou deux" pour mettre en oeuvre une décision d’augmenter le degré d’enrichissement.
Recevant lundi l’ambassadeur de France en Iran Philippe Thiébaud, le président Rohani a déclaré que Paris avait "encore le temps", avec les autres parties, de sauver l’accord, dont l’"effondrement" ne serait "assurément […] pas dans l’intérêt de l’Iran, de la France, de la région ni du monde", selon le site internet du gouvernement.
Le PIB iranien devrait chuter de 6 % cette année, après un plongeon de près de 4 % en 2018, selon le Fonds monétaire international.
Paris, Berlin et Londres ont lancé en début d’année un mécanisme de troc ("INSTEX") censé aider l’Iran à contourner les sanctions américaines, mais celui-ci n’a encore accouché d’aucune transaction.
Semblant impuissantes à agir face aux sanctions américaines, les trois capitales européennes exhortent Téhéran à continuer de respecter l’accord malgré tout.
M. Kamalvandi n’a fourni aucune information sur le niveau du stock d’eau lourde iranien (mesuré à 125,2 tonnes par l’AIEA dans son dernier rapport publié le 31 mai).
Mais les Européens doivent "s’inquiéter davantage du cas où l’Iran dépasserait le degré [maximal] d’enrichissement [fixé par l’accord] comme il a menacé de le faire", juge Ellie Geranmayeh, chargée de recherche sur l’Iran au Conseil européen des relations internationales.
"J’imagine que Téhéran fera cela de manière progressive, en testant les Européens à chaque étape", écrit-elle sur Twitter, prévenant que "Téhéran ne bluffe pas" et qu’"il reste moins de deux semaines" avant l’expiration de l’ultimatum.