Macron affiche ses désaccords avec Merkel

Le président français Emmanuel Macron affiche désormais ses divergences avec la chancelière allemande Angela Merkel, signe d’une défiance croissante entre les deux pays après les attentes déçues de Paris sur la réforme de l’Europe.

Comme dans "tout couple", il faut "assumer d’avoir des désaccords", des "confrontations fécondes", a-t-il lancé jeudi soir lors de sa première grande conférence de presse à l’Élysée.

Évoquant les différends sur le Brexit ou sur les négociations commerciales avec les États-Unis, il a dressé un tableau sans fard de la relation franco-allemande, aux antipodes du discours ambiant depuis son élection mai 2017.

Il a aussi épinglé le "modèle de croissance" allemand, jugeant qu’il avait "beaucoup profité des déséquilibres de la zone euro" et incarne "le contraire de son (propre) projet social" pour l’Europe.

"Emmanuel Macron ne cache plus son impatience vis-à-vis de l’Allemagne", relève Claire Demesmay, experte à l’Institut allemand de politique étrangère, interrogée par l’AFP. "Il y a une déception par rapport à l’Allemagne", renchérit une source diplomatique française.

Après avoir misé sur Berlin pour faire avancer ses projets de relance de l’Europe, le jeune président français a dû déchanter devant une chancelière mal "réélue", affaiblie politiquement et une certaine réticence allemande.

"Il escomptait une sorte de renouveau du couple franco-allemand (…), il y a une fin de non recevoir en Allemagne sur les réformes qu’il propose", pointe Rémi Bourgeot, spécialiste de l’Allemagne à l’Institut de Relations internationales et Stratégiques (Iris) à Paris.

– "Séquence électorale" –

Ses projets, avec notamment un budget de la zone euro, se sont heurtés aux "tabous de la culture politique allemande" pour tout ce qui touche à la solidarité financière en Europe, en particulier avec les pays du sud, explique le chercheur à l’AFP.

L’harmonie affichée au centenaire de la fin de la Première guerre mondiale en novembre et à la signature du traité d’amitié d’Aix-La-Chapelle en janvier a in fine brutalement cédé le pas au rapport de forces.

Les élections européennes n’y sont pas non plus étrangères alors que le président Macron ambitionne de créer un groupe centriste au Parlement européen qui bousculerait le tout puissant Parti populaire européen (PPE, droite) dominé par les conservateurs d’Angela Merkel.

"On est clairement passé dans une séquence électorale, celle de la concurrence politique(…). Les deux dirigeants poursuivent deux logiques antagoniques. Il s’agit de le montrer aussi à l’opinion publique", analyse Claire Demesmay.

La tête de liste de la majorité présidentielle aux européennes, Nathalie Loiseau, a planté le décor le 17 avril en dénonçant "le manque de vision" et la "frilosité" de certains "dirigeants européens", sans nommer toutefois la chancelière.

Elle visait notamment le mandat donné à la Commission européenne d’ouvrir des négociations commerciales avec les États-Unis en dépit du refus affiché de Paris de négocier avec un partenaire hostile à l’accord mondial sur le climat.

– Attentes allemandes –

Encore ministre des Affaires européennes, elle avait déjà attaqué frontalement le parti chrétien-démocrate (CDU) d’Angela Merkel en mars devant des parlementaires français: "La CDU ne veut pas d’un salaire minimum européen (…). La CDU voudrait que la France cède son siège de membre permanent au Conseil de sécurité".

Le débat autour du siège français a particulièrement agacé Paris qui milite de son côté pour l’octroi d’un siège permanent à l’Allemagne et exclut toute idée de céder le sien.

Le climat n’est pas non plus au beau fixe en matière de défense: Paris s’inquiète des restrictions imposées par Berlin aux exportations d’armements communs et de la répartition des tâches dans le système d’avion de combat du futur (SCAF) franco-allemand.

Le mouvement de contestation sociale des "gilets jaunes", qui a contraint le président Macron à prendre un virage social, est aussi passé par là.

"Tout cela entre en contradiction avec la position allemande", son "modèle d’abaissement des coûts" et d’orthodoxie budgétaire, constate Rémi Bourgeot.

Or, c’est précisément sur les réformes économiques et financières qu’il est attendu à Berlin et suscite des interrogations.

"Lors de son élection, Emmanuel Macron a été perçu de façon positive en Allemagne parce qu’il parlait de réformes en France, pas pour ses propositions européennes", rappelle Claire Demesmay.

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