Les combats en Libye peuvent profiter aux jihadistes

En Libye, les deux camps rivaux se posent comme des champions dans la lutte contre le terrorisme. Mais focalisés sur leurs combats, ils laissent le champ libre au groupe Etat islamique (EI) qui tente de se refaire une santé.

Le chaos politique et sécuritaire dans lequel est plongé le pays depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 avait favorisé l’émergence de groupes jihadistes comme l’EI.

Ces dernières années, ces groupes ont commis de nombreuses attaques contre les deux camps qui se battent actuellement: les forces du Gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale, et l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen.

Après avoir fini par chasser ces groupes dans l’Est libyen, le maréchal Haftar avait lancé en janvier dernier une opération pour "purger le sud des groupes terroristes et criminels".

Il s’est emparé de quelques villes sans combats, avant de lancer début avril ses troupes à l’assaut de la capitale, siège du GNA, qu’il dit vouloir débarrasser, là encore, des "terroristes".

– Déstabilisation –

Depuis, il piétine toujours aux portes de Tripoli où il fait face à une opposition farouche de la part de groupes armés de l’ouest libyen. Plusieurs d’entre eux avaient chassé fin 2016 l’EI de Syrte, principal bastion jihadiste en Libye situé à 450 km à l’est de Tripoli.

Les combats entre les forces de Haftar et ses rivaux ont fait 454 morts et plus de 2.000 blessés, selon un dernier bilan vendredi de l’Organisation mondiale de santé (OMS).

Le GNA accuse lui le maréchal de vouloir "vendre" son offensive à la communauté internationale comme une opération antiterroriste, alors que, selon les autorités de Tripoli, son objectif est de s’emparer du pouvoir.

Cet exécutif affirme régulièrement que les forces qui défendent la capitale sont les mêmes qui avaient combattu l’EI à Syrte et autres jihadistes dans l’ouest.

"Les forces du GNA continuent à repousser les milices de Haftar mais leurs attaques (…) déstabilisent notre pays et permettent à des groupes terroristes comme Daech (acronyme arabe de l’EI) de réapparaître", a déploré jeudi le ministère des Affaires étrangères du GNA dans un communiqué.

"En Libye, comme précédemment en Irak et en Syrie, l’EI a profité du vacuum (…) et de l’effondrement des structures étatiques pour prendre des ancrages locaux", a indiqué à l’AFP Karim Bitar de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).

Après la perte de Syrte et de Derna, autre fief jihadiste dans l’Est, l’EI a été affaibli mais ses membres se sont repliés dans le désert ou se sont fondus dans la population sur la côte.

Ils ont continué à être pourchassés par les forces de Haftar comme par celles du GNA ou des Etats-unis qui ont mené plusieurs frappes contre eux dans le centre et le sud du pays.

Mais la menace jihadiste reste persistante. Rien que pour l’année 2018, des groupes extrémistes ont mené une vingtaine d’attaques.

Et depuis le début de l’offensive début avril de Haftar contre la capitale, l’EI a mené des attaques dans le centre et le sud du pays, profitant du vide laissé par les forces des deux camps qui ont jeté tout leur poids dans la bataille de Tripoli.

L’EI a ainsi revendiqué plusieurs attaques dans le sud du pays, à Sebha samedi (9 morts) et Ghodwa jeudi (2 morts).

– "Occasion inespérée" –

"Il y a clairement une mobilisation (des forces des deux camps) vers Tripoli qui a créé un vide sécuritaire, laissant à l’EI non seulement l’opportunité de se réorganiser après son repli, mais aussi de recruter et s’allier avec d’autres groupes et d’organiser" des attaques "pour montrer qu’il est toujours là", a indiqué Emad Badi, analyste libyen.

Khaled al-Montasser, professeur de relations internationales dans les universités libyennes, estime que "les divisions donnent aux terroristes une occasion inespérée pour se mobiliser et se réorganiser".

"Tant que la Libye est divisée et que l’autorité régalienne de l’Etat n’est pas rétablie sur l’ensemble du territoire, le risque existe que l’EI puisse reprendre une petite place au soleil", a estimé M. Bitar.

"Toutefois, compte tenu des rapports de force actuels, l’EI en Libye ne serait qu’une force parmi beaucoup d’autres, qui aurait une capacité de nuisance mais qui ne serait plus en mesure de contrôler des franges significatives du territoire", a-t-il souligné.

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