Laïque et multiculturel, l’Azerbaïdjan dans la bonne direction

À l’heure où François Hollande a clôturé sa visite officielle en Azerbaïdjan, il devient urgent de se pencher plus en avant sur le pays du Caucase encore trop méconnu. Son histoire aussi riche que diversifiée a créé sa richesse politique, économique, sociale et religieuse. Avec une majorité à 90 % de musulmans, l’Azerbaïdjan dont le régime est présidentiel se démarque de ses voisins turcs et iraniens en instituant une laïcité résistant à toute épreuve. Paradoxalement, la France démocrate encore vacillante sur ses principes fondateurs gagnerait beaucoup à tirer des leçons de ce modèle.

L’héritage animiste, mazdéiste, zoroastriste, juif, islamique, orthodoxe et catholique du territoire azerbaïdjanais pourrait faire de lui une zone sensible et minée capable d’exploser à tout instant. Pourtant, le pays ne connaît pas de confrontations interreligieuses, l’État se fait même le garant d’une liberté de culte alors que la majorité de la population est musulmane avec 85 % de chiites et 8 % de sunnites. Et cela tient à son histoire. Le pays tour à tour sous occupation perse puis russe a été influencé par une multiculturalité qui a touché son mode de gouvernance.

La majorité des Azerbaïdjanais ont été sécularisés par des décennies d’athéisme officiel soviétique, c’est la raison pour laquelle, en 1905, le pays vote une loi constitutionnelle pour la stricte séparation de la religion et de l’État. Après la proclamation de la République en 1991, le pays s’est attelé à rebâtir les lieux de cultes autrefois détruits par le régime soviétique. L’article 48 de la Constitution admet d’ailleurs que « toute personne a le droit de choisir n’importe quelle foi, d’adopter une religion ou de ne pratiquer aucune religion, d’exprimer son point de vue sur la religion et à la répandre ». La loi de 1992 ajoute que « la liberté de la foi garantit le droit de tout être humain de déterminer et d’exprimer son point de vue sur la religion et à exécuter ce droit. »

Le pays caucasien, un des moins religieux au monde, peut surprendre. Aujourd’hui, Islam et fanatisme religieux sont dangereusement associés. Pourtant, le pays prouve que l’expérience laïque est parfaitement possible en pays musulman. La France souvent donneuse de leçons devrait prendre exemple sur l’Azerbaïdjan dont le terme « laïcité » ne résonne pas de la même manière. Le territoire défend une politique de co-existence religieuse quand la France se noie en marginalisant ses différentes communautés. Des scandales autour du port du voile ou de la viande hallal éclatent et prennent souvent l’allure de faux problèmes qui ne font qu’ostraciser un peu plus les communautés religieuses françaises. Des termes comme « islamophobie » voient le jour, un non-sens dans un pays censé garantir la liberté de culte.

La France infatigable se lance alors dans des monologues interminables sur l’identité nationale et espère créer son unité en ressassant toujours les mêmes faux débats. Paradoxalement à Bakou, c’est la liberté qui est prônée. La liberté du port du voile ou non, la liberté d’acheter de la viande de porc au marché ou non. La liberté sans être jugé. Alors oui, l’Azerbaïdjan a encore des progrès à faire en matière de droits de l’homme, mais la France aussi. Si le pays caucasien favorise un dialogue inter-religieux, la France souvent contradictoire choisit de le bouder.

Et ses politiciens ne l’encouragent pas plus. Valery Giscard d’Estaing à propos de l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne déclarait que le pays avait « une autre culture, une autre approche, un autre mode de vie ». Difficile pour la vieille France de se détacher de ses valeurs archaïques chrétiennes. Pourtant, selon l’universitaire et écrivain Robert Escarpit, la laïcité n’est-elle pas « la disponibilité universelle du patrimoine humain, la loi qui veut que chaque homme soit maître de son bien et que son bien se trouve partout où il y a des hommes. » ?

La France se sclérose dans une idéologie laïque qui n’est pas efficiente pour la nation. François Hollande en homme d’État avisé a, on l’espère, mis à profit son voyage en Azerbaïdjan pour porter un regard attentif sur ce qui est un exemple de coexistence religieuse. Selon le philosophe, Henri Pena Ruiz, "trop souvent les hommes ont tendance à privilégier ce qui les divise. Avec la laïcité, il faut apprendre à vivre avec ses différences dans l’horizon de l’universelle, sans jamais oublier qu’on a des intérêts communs en tant qu’homme ». Un message largement intégré par le pays caucasien mais qui attend encore d’être mis à l’œuvre en France…

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