Vendredi, l’heure était aux hommages et aux préparatifs pour les funérailles nationales prévues samedi.
Désormais présidé par intérim par le chef du Parlement Mohamed Ennaceur, qui a prêté serment juste après le décès jeudi du chef de l’Etat, le pays pionnier du Printemps arabe saluait la mémoire de son premier président élu démocratiquement au suffrage universel, en 2014.
Des festivals ont été annulés, les journaux imprimés en noir et blanc, sept jours de deuil national ont été décrétés.
Dans un éditorial, le quotidien Le Temps salue un "chantre du patriotisme" et écrit: "notre peine est grande, notre chagrin est immense".
"Adieu BajBouj", titre affectueusement le Quotidien, en référence au surnom du président mort à 92 ans.
La dépouille de Béji Caïd Essebsi a été transférée de l’hôpital militaire de Tunis au Palais présidentiel de Carthage, à une vingtaine de kilomètres. Quelques centaines de Tunisiens étaient présents à la sortie du convoi, certains entonnant l’hymne national, d’autres pleurant.
Il doit être inhumé samedi en milieu de journée dans le carré familial dans le cimetière de Djellaz, en plein coeur de Tunis, après une cérémonie en présence de chefs d’Etat, dont le président français Emmanuel Macron, et celui de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Le ministère de l’Intérieur a indiqué avoir déployé un important dispositif de sécurité, tout en respectant les "rassemblements spontanés de citoyens".
"Le président Béji Caid Essebsi appartient au peuple tunisien et chaque Tunisien a le droit d’assister à ses funérailles", a écrit son fils Hafedh, sur Facebook.
Depuis l’annonce du décès, les hommages internationaux ont afflué pour saluer le rôle crucial du président dans la "marche vers la démocratie" dans le berceau du Printemps arabe.
La Tunisie doit désormais s’atteler à la préparation d’élections. Béji Caïd Essebsi est mort à quelques mois de la fin de son mandat en décembre, mais la Constitution prévoit que l’intérim de M. Ennaceur ne dure que 45 à 90 jours, soit jusqu’au 23 octobre.
L’instance supérieure indépendante chargée d’organiser des élections a annoncé jeudi une élection présidentielle anticipée "probable" dès le 15 septembre, au lieu du 17 novembre initialement prévu, ce qui bouleverse le calendrier électoral. Des législatives sont prévues en octobre.
Nombre de Tunisiens ont salué la transition rapide, alors que leur pays est le seul des Etats arabes touchés par les contestations de 2011 à poursuivre sur la voie de la démocratisation malgré les soubresauts politiques, la morosité économique et des attaques jihadistes.
"Ce qui est bien, c’est que tout le monde continue sa vie normalement", a dit Jalel Slimani, un habitant de Tunis. "Ça nous a touché au fond parce qu’il était notre président. Mais il faut que le pays continue à avancer".
Les Tunisiens "ont réussi superbement l’examen de convaincre le monde entier que désormais, la Tunisie est un pays démocratique", écrit le journal La Presse, dans un éditorial titré "L’Etat reste debout".
Et la transition reste fragilisée par l’absence d’une Cour constitutionnelle, institution cruciale d’une jeune démocratie, dont la mise sur pied a été maintes fois repoussée par calcul politique des partis au pouvoir.
L’instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des lois, qui la remplace depuis 2014, a des prérogatives limitées, notamment pour trancher dans la polémique sur le code électoral.
Les conditions pour se présenter aux élections ont été amendées de façon contestée en juin par le Parlement. Mais le texte voté à l’initiative du gouvernement n’a pas été promulgué par le président avant son décès. Il s’agissait d’une volonté de sa part selon un de ses conseillers.
Reste à savoir si ce code électoral amendé sera promulgué. Il exclue plusieurs candidats de poids des scrutins, dont la mécène Olfa Terras-Rambourg ou le magnat des médias Nabil Karoui.
Ce dernier a menacé de retourner contre ses concurrents politiques ce texte, qui interdit de façon rétroactive sur un an tout recours à la publicité politique et distribution de biens aux électeurs.