Malgré son refus de l’extrader vers les Etats-Unis, la justice britannique a décidé mercredi de maintenir en détention le fondateur de Wikileaks Julian Assange en attendant l’examen de l’appel formé par les Etats-Unis, qui veulent le juger pour la diffusion massive de documents confidentiels.
Quarante-huit heures après la victoire remportée lundi par l’Australien de 49 ans, « c’est une immense déception », a réagi sa compagne Stella Morris. L’avocate, qui a eu deux enfants avec Julian Assange, a appelé de nouveau le ministère américain de la justice à « abandonner les poursuites » contre lui et au président des Etats-Unis de le « gracier ».
Invoquant le risque de suicide du fondateur de WikiLeaks dans le système carcéral américain, la juge britannique Vanessa Baraitser a refusé lundi son extradition vers les Etats-Unis. Dans la foulée, les autorités américaines ont notifié au tribunal leur intention de faire appel.
Mercredi, la magistrate a estimé qu’il existe « des motifs sérieux de croire que si M. Assange était libéré aujourd’hui, il ne se rendrait pas au tribunal pour faire face à la procédure de recours ».
« Nous voulons que ça se termine, mais nous sommes confiants que la justice prévaudra », a réagi à la sortie du tribunal le rédacteur en chef de Wikileaks, Kristinn Hrafnsson.
A l’audience, la représentante de l’accusation Clair Dobbin a souligné que Julian Assange, qui « se considère comme étant au-dessus les lois », a les « ressources » pour fuir, mettant en avant l’offre d’asile politique faite par le Mexique.
Un risque écarté par l’avocat de Julian Assange, Edward Fitzgerald, qui a plaidé que son client avait « toutes les raisons » de ne pas se soustraire à la justice britannique qui a tranché en sa faveur lundi. Invoquant la vie de famille qui l’attend à l’extérieur, il a proposé son placement sous surveillance par bracelet électronique, en vain.
Julian Assange a été arrêté par la police britannique en avril 2019 après avoir passé sept ans reclus à l’ambassade d’Equateur à Londres, où il s’était réfugié alors qu’il était en liberté sous caution. Il craignait une extradition vers les Etats-Unis ou la Suède, où il a fait l’objet de poursuites pour viol qui ont depuis été abandonnées.
L’Australien, soutenu par nombre d’organisations de défense de la liberté de la presse, risque aux Etats-Unis 175 ans de prison pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700.000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.
Les Etats-Unis lui reprochent d’avoir mis en danger des sources des services américains, accusation qu’il conteste. Parmi les documents publiés figurait une vidéo montrant des civils tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007, dont deux journalistes de l’agence Reuters.
« Le jour où il rentrera »
Pendant l’audience, qui s’est déroulée sur cinq semaines en février et en septembre, un psychiatre ayant examiné Assange avait évoqué un risque de suicide « très élevé » s’il devait être extradé vers les Etats-Unis. Ses avocats avaient dénoncé une procédure « politique » fondée sur des « mensonges ».
Si le refus de la justice britannique de l’extrader a été accueillie avec soulagement par les partisans de Julian Assange, elle ne les a pas rassurés sur l’issue des poursuites qui le visent, qui restent pour certains experts américains une menace pour la liberté de la presse.
La juge britannique a en effet rejeté les arguments relevant de la défense de la liberté d’expression. Elle a estimé que l’accord passé par Assange avec des groupes de hackers pour obtenir des documents l’avait « fait aller au-delà du rôle imparti au journalisme d’investigation ».
Elle a relevé « des preuves insuffisantes de pressions de l’administration Trump sur les procureurs » et « peu ou pas de preuves évoquant une hostilité » du président américain sortant « envers M. Assange ou WikiLeaks ».