Arrivé en 2011, François Molins, devenu d’attentat en attentat le visage de l’antiterrorisme français, doit quitter le parquet de Paris en novembre, pour la Cour de cassation.
Début juillet, trois candidats à sa succession, sur une dizaine, ont été reçus par la ministre de la Justice Nicole Belloubet: Maryvonne Caillibotte, avocate générale à Paris, Marie-Suzanne Le Quéau, procureure générale de Douai et Marc Cimamonti, procureur de Lyon. Ce dernier était, de sources concordantes, le candidat favori de Nicole Belloubet.
Selon Le Monde, le premier ministre Edouard Philippe a à son tour reçu ces trois hauts magistrats en juillet, "dans une forme inédite d’examen oral".
Le décret de nomination était attendu fin août, puis mi-septembre. Puis lundi, la chancellerie a lancé un nouvel appel à candidature pour la succession de François Molins, prenant par surprise le monde de la magistrature. Le même jour, le ministère proposait Marc Cimamonti au poste de procureur général de Versailles, auquel il était candidat, même si le prestigieux parquet de Paris était, selon une source proche, son premier choix.
Pourquoi ce nouvel appel à candidature ? Selon le Canard enchaîné publié mercredi, Emmanuel Macron a "biffé les noms des trois candidats au poste de procureur de Paris, poste stratégique s’il en est". "Du jamais vu dans les annales judiciaires", écrit le journal satirique.
"Si le poste a été rouvert aux candidatures, c’est nécessairement une décision du pouvoir exécutif", a dit à l’AFP, sous couvert d’anonymat, l’un des candidats à la succession. "On est dans la logique du statut du parquet tel qu’il est, le principe de la nomination reste à l’exécutif", a ajouté cette source.
"Le pouvoir se verticalise"
"Il y a toujours eu un regard de l’exécutif, rendu possible par notre Constitution. Mais l’avis du président de la République est plus ou moins appuyé selon les personnes au pouvoir", explique à l’AFP Katia Dubreuil du Syndicat de la magistrature (SM, gauche). Emmanuel Macron "estime qu’il a toute la légitimité pour intervenir dans ce choix", déplore la magistrate. "L’exercice du pouvoir se verticalise et ça se manifeste dans le choix du procureur de la République de Paris."
Le système judiciaire français fait la distinction entre les magistrats du siège, qui jugent, et ceux du parquet, qui poursuivent. Le gouvernement est tenu de suivre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), pour nommer des juges, mais il peut passer outre pour nommer des procureurs.
La révision de la Constitution, reportée en juillet à cause de l’affaire Benalla, prévoit d’interdire au pouvoir de passer outre l’avis du CSM pour les hauts magistrats du parquet.
En 2007, dix procureurs avaient été nommés contre l’avis du CSM. Mais depuis huit ans, l’exécutif suit l’avis du CSM pour les "parquetiers". Cela ne permet pas cependant d’éviter toute accusation de nomination politique. En particulier au poste de procureur de la République à Paris, un des plus exposés dans la magistrature.
La nomination de François Molins avait d’ailleurs provoqué la consternation en 2011: il était alors directeur de cabinet du garde des Sceaux Michel Mercier, qui avait lui-même proposé son nom pour le parquet de Paris.
Après le parquet de Paris, il faudra aussi trouver un procureur pour le futur parquet national antiterroriste, dont la création pourrait intervenir courant 2019. Ce nouveau parquet sera le deuxième spécialisé après la création en 2013 du parquet national financier (PNF), né du scandale des comptes cachés de l’ex-ministre Jérôme Cahuzac. Et mi-2019, le poste de procureur national financier, sera lui aussi à pourvoir, en remplacement d’Eliane Houlette.