Joyeux Ramadan J-18 : « il est interdit d’interdire »

– Par Narjis Rerhaye –

Hajja Meftaha, ta grand-mère disparue l’automne dernier, avait sa façon à elle d’accepter l’inacceptable, de tolérer l’intolérable. Elle avait fait du célébrissime « il est interdit d’interdire » la devise de sa maison. « Elle a toutefois interdit toute velléité de polygamie à ton grand-père. Tout, sauf une seconde épouse, avait-elle décrété bien avant la réforme du code de la famille », rappelle ta mère tout en maudissant ce ministre bigame qui est de surcroît ministre d’Etat des droits de l’Homme.

Le problème avec ta mère, c’est qu’elle ramène tout à la politique. Elle a hérité de cela de ses années de droit, à la fac des sciences juridiques de Rabat. C’est en tout cas ce que pense ton grand-père qui n’a jamais compris le virage à gauche de sa fille. Même la victoire d’Emmanuel Macron ne lui a pas fait changer d’avis. Ta mère a des convictions, pas des certitudes.

Hajja Meftaha, que Dieu l’accueille en sa sainte miséricorde, occupe toutes tes pensées ce 18ème jour du Ramadan, mois sacré et béni s’il en est. Sur youtube tu as vu cet extrait d’émission où Aicha Ech Chenna, la présidente de solidarité féminine se fait attaquer par une présentatrice qui a l’arrogance de l’inculture. Ta grand-mère ne se serait pas gênée pour lui dire ses 4 vérités à cette sombre animatrice. Buzz ou pas, elle l’aurait étalée grave avant de claquer la porte de l’émission. Aicha Ech Chenna a tenu bon, répliquant à toutes les conneries de la présentatrice en question. Quelques jours plus tard, c’est la même Aiche Ech Chenna qui reçoit le prix international de "Femme de l’année 2017" à Monaco. « Dieu est grand », aurait dit Hajja Meftaha qui n’a jamais rien compris aux accusations portant sur « un agenda étranger qui veut changer nos valeurs islamiques ». Le seul agenda qu’elle connaissait, c’était bien celui de ton grand père qui trônait près du téléphone et sur lequel il notait toutes ses réunions au parti.

Hajja Meftaha une libertaire parce qu’elle a su s’accommoder de la grossesse hors mariage de la fille de son arrière tante? Ta cousine la communicante a toujours du mal à y croire. Depuis qu’elle a adhéré à MALI et qu’elle défend le droit des dé-jeûneurs à dé-jeûner, elle est persuadée qu’il n’y a pas plus libre penseur qu’elle. Ce matin, elle a entendu à la radio de cas de ces deux femmes qui ont été prises à partie à Casa et à Martil par un groupe d’hommes. « L’une voulait se baigner et l’autre portait une jupe et avait les bras dénudés. Ca n’a pas plu à nos ayatolllahs. Tu trouves ça normal, ces gardiens autoproclamés de la foi ? », s’exclame ta cousine qui en fait toujours des tonnes dès qu’il s’agit de défendre les mini jupes et autres maillots de bain de chez Zara.

Question liberté, Hajja Meftaha qui dans les années 1960 ne s’est jamais cachée pour en griller une en plein milieu de son salon beldi en Danyajate, aurait de sérieuses leçons à donner si elle nous n’avait pas quitté à la veille des élections législatives. C’est comme cette interdiction qui n’en serait pas une de « France 24 ». Ton oncle qui a des amis influents dans la presse électronique est encore sonné par la nouvelle. « France 24 interdite de tourner une émission au Maroc parce que cette télévision à une ligne éditoriale partiale et anti-marocaine en plus d’être alignée sur les thèses algériennes, avec une vingtaine de rédacteurs en chef algériens. Dire que c’est un responsable du ministère de la communication qui avance ce genre d’arguments. Je préfère encore être sourd que d’entendre ce genre de choses de la part d’un haut fonctionnaire. France 24 qui éternue et c’est tout le ministère de la communication qui s’enrhume ». La dernière phrase de ton oncle t’interpelle quelque part dans le vécu, comme dirait l’autre. Eternuer n’est pas s’enrhumer, te raisonne ton cerveau. Mais qu’est-ce qu’on a besoin de kleenex en ce moment !

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