Génocide rwandais: Paris, accusé de complicité par Kigali, ouvre les archives de l’Elysée

L’Elysée a déclassifié mardi ses archives sur le Rwanda de 1990 à 1995, au 21e anniversaire du déclenchement du génocide rwandais, une décision qui devrait livrer un éclairage sur la politique française pendant cette période, fortement contestée par Kigali qui accuse Paris de complicité de génocide.

"Le secrétaire général (Jean-Pierre Jouyet) a signé aujourd’hui la décision portant déclassification des archives des documents de l’Élysée relatifs au Rwanda entre 1990 et 1995", a annoncé l’entourage du président François Hollande.

La décision a été signée en présence de Dominique Bertinotti, ancienne ministre et mandataire des archives de la présidence de François Mitterrand, a précisé l’Élysée.

Entre avril et juillet 1994, quelque 800.000 personnes ont été tuées en une centaine de jours, selon l’ONU, des membres de la minorité tutsi pour l’essentiel. Les massacres avaient débuté au lendemain de l’attentat qui avait coûté la vie au président hutu Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994.

Le président rwandais Paul Kagame, au pouvoir depuis la fin du génocide, accuse la France de complicité dans les massacres, lui reprochant d’avoir soutenu le gouvernement extrémiste hutu qui a déclenché les tueries le 7 avril 1994. Mais Paris a rejeté à de multiples reprises ces accusations, assurant que les forces françaises n’avaient fait qu’oeuvrer à la protection des populations civiles.

Les relations entre la France et le Rwanda ont été totalement gelées entre 2006 et 2009, et, récemment, en février 2015, Paul Kagame est venu à l’Unesco, à Paris, sans rencontrer d’officiels français.

– ‘Souhait de vérité ‘-

"Cette décision initie enfin de la part de la France une logique de transparence et d’ouverture", a déclaré à l’AFP le président de SOS racisme Dominique Sopo, joint par l’AFP.

"Les atermoiements de la France dans ce dossier sont une douleur pour les victimes du génocide (…) C’est une étape importante mais (qui doit être suivie) d’autres pas, d’autres actes, notamment sur le jugement des génocidaires" en France, a-t-il poursuivi, avant de conclure : "La France doit encore avouer qu’elle a fait preuve d’inaction".

Saluant elle aussi "une bonne nouvelle", l’association Survie a réclamé "d’autres déclassifications de documents diplomatiques et militaires plus sensibles", notamment les "dossiers instruits par le pôle crimes contre l’humanité et génocide contre des militaires français de l’opération Turquoise" et "celui de l’attentat du 6 avril 1994 instruit au pôle anti-terroriste".

Selon l’entourage de François Hollande, le président "avait annoncé il y a un an que la France devrait faire preuve de transparence et faciliter le travail de mémoire sur cette période sans que cette décision ne soit rendue publique".

Depuis, le recensement des archives a été "lancé et coordonné" par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), les documents mêlant des notes des conseillers diplomatiques et militaires de l’Élysée, mais aussi des comptes rendus de conseils restreints de défense ou de réunions ministériels.

"Rien n’interdit plus la consultation de ces archives" qui seront ainsi à la disposition des chercheurs, des associations de victimes ou de la société civile, souligne la présidence française qui parle d’un "souhait de vérité".

Dans quelque temps, précise-t-elle encore, d’autres archives seront déclassifiées, celles de l’Assemblée nationale et des ministères des Affaires étrangères et de la Défense, chacun allant "à son rythme" dans cette procédure.

Parmi ces documents, figurent les "archives Quilès", du nom de l’ancien ministre socialiste Paul Quilès qui avait présidé la mission des commissions de la Défense et des Affaires étrangères de l’Assemblée sur les opérations militaires conduites par la France et l’ONU, notamment, au Rwanda entre 1990 et 1994. Son rapport avait été publié en décembre 1998.

Cette procédure de déclassification, spécifie-t-on par ailleurs à l’Elysée, est distincte de la vingtaine de procédures judiciaires toujours en cours au pôle "crimes contre l’humanité" du tribunal de Paris. En mars 2014, un ex-officier de la garde présidentielle, Pascal Simbikangwa a été condamné à 25 ans de réclusion à l’issue d’un premier procès à Paris.

Deux autres Rwandais, les anciens bourgmestres Tito Barahira et Octavien Ngenzi, ont été renvoyés devant la cour d’assises et attendent désormais leur procès qui pourrait se tenir entre mai et juillet 2016 dans la capitale française.

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