Le texte, déjà approuvé par l’Assemblée nationale le 22 décembre, a été voté dans les mêmes termes par le Sénat, par 127 voix pour et 86 contre. Pour être applicable, la loi doit encore être promulguée par le président de la République, et paraître au Journal officiel.
Elle pourrait aussi être soumise au Conseil constitutionnel, dans l’hypothèse où un recours serait déposé.
Le texte est destiné à pénaliser la négation des génocides reconnus par la loi française. Il prévoit un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.
Dès le début de la séance, Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, a expliqué pourquoi le gouvernement était favorable à cette proposition de loi, visant à "remplir un vide juridique" alors que "seule la négation de la Shoah est pénalement réprimée". "Il ne s’agit pas d’une loi mémorielle", a-t-il estimé.
Le groupe socialiste, majoritaire au Sénat, "apporte son soutien à ce texte", a déclaré le sénateur PS des Hauts-de-Seine Philippe Kaltenbach. "Je suis fier, car avec cette loi, le Parlement montrera que nous ne renions pas nos valeurs sous la pression d’un Etat étranger aussi puissant soit-il", a-t-il ajouté à l’adresse de la Turquie.
Cette proposition de loi suscite de vives tensions entre Paris et Ankara, la Turquie ayant toujours refusé de reconnaître le génocide arménien (1915-1917).
Aussitô t après son adoption par l’Assemblée, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a décidé de rappeler son ambassadeur en France, et de suspendre les relations diplomatiques entre les deux pays.
Lundi, le vice-Premier ministre turc Bulent Arinc, s’exprimant depuis Strasbourg où il était en déplacement, a déclaré: "qu’est-ce qui se passerait si un millier, dix milliers ou une centaine de milliers de personnes se réunissaient sous la Tour Eiffel et disaient ‘il n’y a pas de génocide’? Que ferait la justice française? Pourrait-elle condamner dix milliers ou une centaine de milliers de personnes? Je ne pense pas".
Les déclarations les plus véhémentes sont venues d’Ankara, où le ministre des Affaires étrangères a menacé de prendre de nouvelles mesures de rétorsion contre la France -sans les détailler- si la proposition de loi était adoptée.
"La Turquie continuera à appliquer des sanctions tant que cette loi restera en place", a déclaré le ministre, Ahmet Davutoglu, à la presse avant le début du débat au Sénat. "Nous espérons cependant que cela ne sera pas nécessaire et que le bon sens régnera au Sénat français".
La France reconnaît officiellement le génocide arménien depuis la loi du 29 janvier 2001. A l’heure actuelle, seule la négation du génocide juif perpétré pendant la Seconde guerre mondiale constitue un délit, selon la loi française.
Les historiens estiment que jusqu’à 1,5 million d’Arméniens ont été tués par les Turcs ottomans en 1915, mais Ankara rejette le terme de génocide pour présenter ces meurtres de masse, affirmant que le chiffre a été gonflé et que les morts ont touché les deux parties.
Le 7 octobre dernier à l’occasion d’une visite en Arménie, Nicolas Sarkozy avait appelé une nouvelle fois la Turquie à reconnaître sa responsabilité dans ces événements, laissant entendre que la France pourrait faire voter une loi pénalisant le négationnisme en la matière.