Vendredi, la Convention citoyenne pour le climat entre « dans le vif du sujet »: ses 150 citoyens vont sélectionner et affiner les propositions qu’ils retiendront lors de leur dernière session, en avril, et qui doivent servir de base à des « décisions fortes » du gouvernement.
Ses membres, tirés au sort, planchent depuis octobre sur des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, avec le mandat de « réduire d’au moins 40% les émissions des gaz à effet de serre d’ici 2030 dans une logique de justice sociale ».
Avec cette sixième session, « on entre dans le vif du sujet », explique un des membres, Grégoire Fraty. Lors des précédentes réunions, les 150 Français de tous âges et tous horizons ont planché en petits groupes sur les thématiques « se loger, se nourrir, se déplacer, consommer, travailler/produire ».
Ce week-end et lors de la dernière session en avril, ils travailleront tous ensemble. « On va pouvoir confronter nos idées, présenter nos travaux aux autres groupes, tenir compte de leurs retours », explique ce Normand de 31 ans.
« Cette session sera consacrée à la délibération », complète Julien Blanchet, rapporteur général de la Convention.
L’objectif est d’élaborer les propositions transmises au gouvernement. « Des décisions fortes seront prises » à partir de là, a promis Emmanuel Macron. Ces propositions, dont le nombre n’est pas arrêté, pourraient donner lieu à un référendum, des lois ou des recommandations.
Cette initiative, inédite en France, est une réponse de l’exécutif à la crise des « gilets jaunes » provoquée par une possible hausse de la taxe carbone.
Depuis six mois, les citoyens sélectionnés travaillent d’arrache-pied. « Les portes nous sont ouvertes, on a carte blanche », s’enthousiasme Sylvain Burquier, un publicitaire de 41 ans. Cette semaine, des membres de la Convention ont rencontré des parlementaires. « On parle de modifier la Constitution, c’est quand même fou d’en arriver là », poursuit ce Parisien. « Si on va jusqu’au bout, ça peut avoir de l’influence sur la société française. »
Mélanie Cosnier, une auxiliaire de vie de 47 ans, défend l’idée de « mesures radicales ». « Il faut changer profondément la société actuelle pour avoir un réchauffement climatique limité à 2°C, ce qui serait déjà exceptionnel », explique cette Sarthoise.
Pour Grégoire Fraty en revanche, il faudra être « ambitieux mais raisonnable également pour la justice sociale ».
– « Projet de société » –
Les citoyens gardent pour l’instant le secret sur leurs propositions. Mais de grands thèmes émergent: la finance verte, les modes de travail, une alimentation saine et durable, les gaz à effet de serre liés aux importations, la rénovation énergétique des bâtiments, l’usage de la voiture individuelle, le transport aérien, l’économie circulaire…
« Leurs propositions forment un ensemble cohérent, c’est un véritable projet de société avec en fil rouge la neutralité carbone », a indiqué à l’AFP Laurence Tubiana, coprésidente du comité de gouvernance de la Convention et architecte de l’Accord de Paris.
Pour Grégoire Fraty, le travail mené sera un succès s’il débouche sur « un référendum » et si les parlementaires reprennent leurs propositions « sans les dénaturer ».
« Si les gens prennent conscience de l’urgence » et que les enjeux climatiques « deviennent le centre des discussions », Mélanie Cosnier aura l’impression d’avoir mené à bien sa mission. « Il y a un déficit d’information sur les enjeux climatiques » en France, confirme Julien Blanchet.
Cinq jeunes de 16 et 17 ans, membres de la Convention, ont invité la militante suédoise Greta Thunberg à les rencontrer en mars, lors de son passage en France, pour parler de leurs travaux, les rendre plus visibles au public et « d’accroître la pression pour que notre gouvernement agisse rapidement ».
La France est loin du compte pour atteindre son objectif de neutralité carbone en 2050 (impliquant que le pays n’émette pas plus de gaz à effet de serre que ses « puits » – sols, forêts… – ne peuvent en absorber).
Les experts du Haut conseil pour le climat (HCC) mis en place par Emmanuel Macron parle d' »objectifs ambitieux », mais d' »actions insuffisantes ». Le gouvernement leur a répondu en janvier en rappelant les mesures déjà prises et en renvoyant aux travaux de la Convention.