France-Immigration irrégulière: les centres de rétention, « une cocotte-minute »

Priorité du gouvernement francais, la lutte contre l’immigration irrégulière a rempli les centres de rétention, dans un climat dénoncé à la fois par les policiers et les défenseurs des étrangers.

Un incendie cette semaine au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes a donné nouveau un coup de projecteur sur ces structures relativement peu connues, où les étrangers en situation irrégulière sont placés dans l’attente de leur reconduite.

Le sinistre, qui a fait cinq blessés, découlait de départs de feu volontaires après des tentatives ratées d’évasion, et il est difficile de généraliser sur un malaise global à partir de ce centre, l’un des plus grands de France, et qui avait déjà été ravagé par un incendie en 2008.

Mais policiers et associatifs témoignent d’un changement de braquet depuis l’attaque jihadiste de Marseille le 1er octobre, lorsque deux femmes avaient été tuées par un homme en situation irrégulière n’ayant pu être placé en rétention. A la suite de quoi le ministre de l’Intérieur avait limogé le préfet du Rhône, et demandé qu’un usage plus intensif soit fait des CRA.

Trois semaines plus tard, les centres de rétention "sont pleins", s’était félicité Gérard Collomb.
Sur le terrain, ce changement se fait sentir : "il y a de plus en plus de personnes placées en rétention qui craignent une issue négative à leur sortie du CAR et qui préfèrent se rebeller", estime une source policière.

"La pression s’est accrue depuis l’attaque de Marseille" avec "une plus grande vigilance" ou "des consignes rappelées régulièrement aux fonctionnaires de police", assure une autre source policière, selon qui "les centres de rétention, c’est une cocotte-minute en ce moment, avec la charge professionnelle".

Le ministre de l’Intérieur a répété ses consignes de lutte contre l’immigration irrégulière dans une circulaire le 20 novembre, incitant les préfets à placer en rétention les étrangers devant être reconduits "chaque fois que les conditions (…) seront remplies".

400 places supplémentaires

L’une des difficultés pour la Police aux frontières est désormais de trouver les places disponibles, sur les 1.823 que compte ce dispositif. "Les collègues passent leur temps à faire des transferts de retenus à l’autre bout de la France", assure Frédéric Lagache du syndicat Alliance, selon qui il a fallu mettre à contribution les policiers affectés à la sécurité publique, voire les CRS dans certaines régions, pour assurer cette mission.

Pour augmenter les capacités de rétention, M. Collomb compte créer 200 places en CRA d’ici la fin de l’année et 200 autres l’an prochain.

Il a aussi invité les préfets à "avoir davantage recours au placement en local de rétention administrative", structure plus souple, qu’un arrêt préfectoral suffit à créer, ce qui inquiète les associations de défense des étrangers en raison de normes moins exigeantes et d’un accès aux droits plus difficile.

Pour les retenus "les tensions s’aggravent", assure David Rohi de la Cimade, qui parle d’une "situation potentiellement explosive" avec "des automutilations, des tentatives de suicide, des risques de bagarre…"

Dans les centres où elle est autorisée à intervenir, la Cimade a constaté un quasi doublement du nombre de personnes enfermées : 810 contre 497 l’an dernier. Pour autant "il n’y a pas plus d’expulsions", passées de 228 à 220, selon M. Rohi, qui dénonce "une réponse très sécuritaire pour couvrir un risque politique".

"On place plus en rétention, mais les juges libèrent plus, parce que les décisions de placement sont prises plus rapidement et que certains n’ont rien à faire là", estime Pierre Henry de France terre d’asile (FTDA), autre association habilitée dans les CRA.

Et dans les centres devenus pleins, "c’est plus compliqué parce qu’il y a des tensions sur toute la ligne", assure M. Henry.

Personne n’a oublié le limogeage du préfet lyonnais et il règne "une véritable angoisse", assure-t-il, qui va "du préfet au fonctionnaire de permanence le week-end".

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