Jusqu’à maintenant, le déluge de condamnations qui s’est abattu sur le Danemark n’a guère semblé ébranler le gouvernement de droite et son allié, le Parti populaire danois, formation populiste qui dicte la politique d’immigration du pays scandinave depuis plus d’une décennie. « La politique migratoire danoise se décide au Danemark, pas à Bruxelles », martèle la ministre de l’Intégration et de l’Immigration Inger Støjberg, forte de l’accord passé avec les sociaux-démocrates (opposition) qui assure au texte une majorité lors d’un vote fixé au 26 janvier.
Après une première session il y a 10 jours, le Parlement siège de nouveau jeudi pour des questions au gouvernement, un exercice réglé comme du papier à musique qui ne devrait pas permettre de faire bouger les lignes.
« Changer les règles du jeu »
La confiscation des effets de valeur des migrants à leur arrivée, volet emblématique de la réforme, a concentré l’essentiel des critiques. Mais d’autres articles sur les conditions de séjour et le regroupement familial font également polémique. Copenhague veut par exemple porter de un an actuellement à trois ans le délai avant lequel le regroupement familial est ouvert à certains demandeurs d’asile ne jouissant pas du statut de réfugié. « D’après la Cour européenne des droits de l’homme, le traitement des dossiers de regroupement familial doit être prompt, flexible et efficace », résume pour l’AFP le directeur de l’Institut danois pour les droits de l’homme, Jonas Christoffersen. La directrice adjointe de l’Europe à Amnesty International, Gauri van Gulik, y voit une « discrimination » aux dépens d’une catégorie de migrants particulièrement fragiles, ayant fui des zones de guerre.
Plutôt que de céder, le Premier ministre Lars Løkke Rasmussen met en cause les conventions européennes ou internationales. Selon lui, disait-il en décembre, si l’afflux de migrants se poursuit, il faudra « changer les règles du jeu ».
Dans un courrier du 15 janvier, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, a adressé un avertissement sans frais au Danemark. La réforme du regroupement familial « soulève des questions de compatibilité avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme », mais aussi la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, écrit-il. « C’est son opinion personnelle », balaie Michael Aastrup Jensen, un haut responsable du parti gouvernemental Venstre, interrogé par l’AFP.
Interdits de discothèque
État membre de l’UE comptant parmi ceux ayant reçu en 2015 le plus grand nombre de migrants par habitant, le Danemark estime ne plus être en mesure de financer leur séjour ni de les intégrer. La presse nationale se fait l’écho de crispations croissantes entre la population et les migrants, à Copenhague comme en province. Sur fond de plaintes de jeunes femmes rapportant des comportements inopportuns, une discothèque de Sønderborg, près de la frontière allemande, refuse désormais strictement l’entrée aux personnes ne parlant ni anglais, ni danois, ni allemand. Et d’après l’organisation professionnelle des cafés et restaurants danois, d’autres établissements devraient lui emboîter le pas.
À Randers, commune de 60 000 habitants (Est), le conseil municipal a rendu obligatoire au menu des cantines la viande de porc, interdite dans l’islam mais très répandue dans la gastronomie locale et dont le Danemark est un producteur de rang mondial.
Le chef de la diplomatie danoise, Kristian Jensen, devait se rendre jeudi à Genève devant l’ONU pour s’expliquer sur la politique des droits de l’homme de son pays.