Brexit : Barnier et Juncker obtiennent un accord pour la gloire

L’accord de divorce bouclé jeudi avec le Premier ministre britannique Boris Johnson doit beaucoup au négociateur européen Michel Barnier et au président de la Commission Jean-Claude Juncker, mais les deux hommes ne devraient paradoxalement en tirer aucun bénéfice.

Boris Johnson leur a rendu un hommage appuyé à son arrivée à Bruxelles pour son premier et théoriquement dernier sommet européen.

"Je tiens à vous remercier et à remercier Michel Barnier et ses équipes. C’est un très bon accord pour l’UE et pour le Royaume- Uni", a-t-il déclaré, se félicitant de pouvoir quitter l’Union européenne le 31 octobre, comme il l’a promis, après 46 ans de vie commune entre Londres et le bloc européen.

Jean-Claude Juncker a vite modéré cet enthousiasme. Il a réclamé le silence et repris la parole pour donner son sentiment: "Je suis content d’avoir un accord, mais très triste que le Royaume-Uni quitte l’UE".

"Il n’y a jamais matière à se féliciter d’un divorce", a pour sa part lâché Michel Barnier devant les responsables du Parti Populaire Européen, sa famille politique (droite), qui le félicitaient.

L’accord a été difficile à boucler. "J’ai téléphoné deux fois à Boris Johnson pendant la nuit", a confié Jean-Claude Juncker à l’AFP.

Les équipes de Michel Barnier et de Boris Johnson ont travaillé jusque très tard. "On a peu dormi, comme la nuit précédente", a raconté l’un d’eux.

L’annonce de son rejet par le parti unioniste nord-irlandais DUP, allié clé du Parti conservateur de Boris Johnson, a jeté un froid.

"Je ne suis pas responsable de la ratification par le Parlement britannique. C’est le travail de Boris", a grommelé Jean-Claude Juncker en réponse aux inquiétudes sur le vote au Royaume-Uni.

– Avenir incertain –

Le président de la Commission européenne se reproche encore d’avoir écouté le Premier ministre de l’époque, David Cameron, qui lui avait demandé de ne pas intervenir dans le débat avant le référendum de 2016, pour démentir les mensonges de Boris Johnson et des autres partisans du divorce.

Alors cette fois-ci, il n’a pas mâché ses mots. "Nous avons un accord. Il n’y aura pas nouveau report" pour la sortie du Royaume-Uni, quelle que soit la décision du Parlement britannique, a-t-il averti. "Boris Johnson a de toute manière exclu de demander un report", a-t-il rappelé.

Michel Barnier, d’ordinaire très prudent, s’est lui aussi laissé aller à la critique. "Il serait bien qu’un jour cette assemblée prenne ses responsabilités", a-t-il lâché à propos de Westminster.

"Boris Johnson a dit à Jean-Claude Juncker être en mesure de faire approuver l’accord trouvé cette nuit", a-t-il dit. "Nous avons confiance en sa capacité de trouver une majorité parlementaire", a-t-il ajouté.

Hormis la satisfaction d’avoir "fait leur travail", d’avoir maintenu l’unité des 27 et évité une rupture chaotique avec le Royaume-Uni, les deux dirigeants ne devraient tirer aucun bénéfice de cet accord.

Prolongé dans sa fonction en raison des difficultés rencontrées par Ursula von der Leyen pour composer son équipe, Jean-Claude Juncker va tirer sa révérence le 1er décembre, un peu avant son 65e anniversaire –il est né le 9 décembre 1954– . Sa santé s’est dégradée ces derniers mois, et ses proches se disent inquiets.

Il a annoncé à plusieurs reprises son intention d’écrire ses mémoires et de raconter son histoire d’amour avec l’Europe.

Michel Barnier, pour sa part, ne sait pas ce que lui réserve l’avenir. Le PPE aimerait que le président Emmanuel Macron le désigne comme candidat pour devenir commissaire européen, après l’échec de Sylvie Goulard. Mais il a 68 ans et son choix de rester fidèle à sa famille politique est un handicap.

"On ne va pas le laisser tomber", a assuré jeudi à l’AFP un de ses dirigeants avant le début du sommet européen.

Ursula von der Leyen, membre du PPE, va lui donner mandat de commencer à négocier l’accord de libre-échange avec le Royaume-Uni une fois le divorce ratifié à Londres et par le Parlement européen, a-t-il confié à l’AFP.

Sa mission sera prolongée d’un an. Celui que beaucoup attendait à la présidence de la Commission bouclerait ainsi le cycle commencé il y a trois ans sur décision de Jean-Claude Juncker.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite