Biden et Harris affichent leur complicité malgré les accrochages passés
Fier de ses huit années de complicité avec Barack Obama à la Maison Blanche, Joe Biden avait martelé qu’il cherchait absolument le « facteur sympathie » chez sa colistière. Et lors de son premier discours aux côtés de Kamala Harris, l’alchimie semblait au rendez-vous.
Fier de ses huit années de complicité avec Barack Obama à la Maison Blanche, Joe Biden avait martelé qu’il cherchait absolument le « facteur sympathie » chez sa colistière. Et lors de son premier discours aux côtés de Kamala Harris, l’alchimie semblait au rendez-vous. Mais le souvenir des vives attaques de la sénatrice de Californie contre son rival lors de la primaire démocrate pourra difficilement disparaître, agité à l’envi par Donald Trump.
« Kamala, vous êtes un membre d’honneur de la famille Biden depuis un bon moment », a déclaré Joe Biden, 77 ans, en se tournant mercredi vers la première colistière noire choisie par le candidat d’un grand parti aux Etats-Unis, et la première personne d’origine indienne.
Sénatrice, Kamala Harris connaissait bien son fils, Beau Biden, décédé en 2015 d’un cancer, lorsqu’ils étaient tous deux procureurs généraux de Californie et du Delaware, respectivement.
« Je sais à quel point Beau respectait Kamala et son travail. Et cela a beaucoup compté pour moi, pour être honnête avec vous, lorsque je prenais la décision » du choix de sa colistière pour l’accompagner jusqu’à la présidentielle du 3 novembre contre Donald Trump, a-t-il confié.
« Son empathie, sa compassion, son sens du devoir, de prendre soin des autres, c’est pour cela que je suis fière d’être sa colistière », a renchéri la sénatrice, 55 ans.
L’heure était définitivement à l’entente affichée.
Dans une salle presque vide, pandémie oblige, tous deux étaient arrivés masqués, accompagnés de leurs époux, pour prononcer leur premier discours officiel de colistiers.
Joe Biden a salué Douglas Emhoff, peut-être le futur « premier second gentleman » des Etats-Unis, dans un jeu de mots sur le titre qui incombe d’ordinaire à l’épouse du vice-président. Et Jill Biden a publié un selfie avec lui.
Dire « la vérité »
Mais derrière les sourires revenait le souvenir de ce premier débat démocrate, en 2019, lorsque Kamala Harris avait surpris en s’en prenant à Joe Biden.
Emue, elle avait commencé par souligner qu’elle ne pensait pas que Joe Biden était « raciste », avant de l’acculer sur ses positions passées face à la ségrégation.
Cette fille d’immigrés jamaïcain et indienne avait alors raconté comment, petite fille, elle avait voyagé dans les bus qui amenaient les écoliers noirs dans les quartiers blancs.
Hérissé, le vétéran de la politique s’était défendu, dénonçant une vision « dénaturée » de ses positions.
Ironiquement, cet échange avait marqué le plus grand succès pour la sénatrice dans la primaire démocrate, qui avait bondi dans les sondages avant de retomber, puis de jeter l’éponge en décembre, avant même le premier scrutin. Un point que ne se lasse pas de rappeler Donald Trump.
Face à ceux dans son entourage qui n’ont pas pardonné cette attaque, Joe Biden a lancé un signal fort en choisissant Kamala Harris pour être son bras droit.
Une position de haute confiance qu’il s’est dit prêt à lui donner justement pour qu’elle lui dise « la vérité ». Dans un écho à une célèbre demande qu’il avait faite à Barack Obama, Joe Biden a confié mercredi:
« J’ai demandé à Kamala d’être la dernière voix dans la salle », quand toutes les autres personnes assistant à une réunion seront parties, et « de poser les questions difficiles (…). Car c’est comme cela que nous prenons les meilleures décisions pour le peuple américain ».
Future dauphine
C’est peut-être l’avenir du parti qui se joue avec ce nouveau tandem.
A 78 ans en janvier, Joe Biden serait le plus vieux président américain à prendre ses fonctions s’il remportait l’élection.
En laissant entendre qu’il ne servirait qu’un mandat, il a donné l’impression qu’il allait « préparer » son bras droit pour prendre ensuite la relève, a souligné David Barker, professeur à l’American University.
« Les électeurs ne se soucient d’ordinaire pas vraiment des candidats à la vice-présidence, mais cette fois, ils observeront peut-être de bien plus près Kamala (Harris) parce qu’elle pourrait être candidate en 2024, voire donc présidente », a-t-il poursuivi lors d’une table ronde avec des journalistes.
La sénatrice n’a certainement pas caché ses ambitions présidentielles pendant la primaire.
« Trop ambitieuse »: C’est d’ailleurs ce que lui auraient reproché certains alliés de Joe Biden pendant le long processus de sélection. Une vision « sexiste », avaient alors dénoncé de nombreuses voix.
Avec un parcours brillant, illustrant le « rêve américain », elle pourrait bien faire de l’ombre au vétéran de la politique, connu pour ses gaffes.
Pour David Barker, l’un des « dangers potentiels » est qu’avec son « charisme » et son « talent de communicatrice », Kamala Harris « mette en évidence les lacunes de Biden sur ces plans ».